Je sors très content de ce petit film simple et touchant, économe de moyens et pourtant aussi percutant que les coups de poings qui y fusent facilement. Marco est un skinhead à la remorque de ses amis qui aiment bien casser du " raton", du "négro" ou du "pédé". C'est une jeunesse désœuvrée et violente, mais non sans amitié ou amours et on suivra cette amitié entre trois de ces brutes pendant près de trente ans. Heureusement en trois décennies, on peut changer et c'est le destin en effet de Marco, qui presque sans qu'on s'en rende compte, va déposer les armes, et s'ouvrir peu à peu à ce que la vie a de meilleur au lieu de s'enferrer dans l'étroitesse et la haine du racisme et de la bêtise d’extrême-droite.
Diasteme joue sur deux tableaux très bien menés: d'un côté le biopic étonnamment sobre et retenu , sans commentaires superflus, d'un homme à la jeunesse ravagée par la bêtise et qui, au détour d'une rencontre avec un peu d'humanité (un mentor pharmacien , dont on saura très peu de choses, ou la naissance de son enfant), va peu à peu se désenliser de la boue nazillonne. Et de l'autre côté donc, un portrait sans concession du Front national, de cette idéologie de laideur et de violence qui se cache aujourd'hui sous des oripeaux de respectabilité. Car les trois amis de la fable font partie de cette mouvance, l'un deux (Samuel Jouy, très bien) devenant même un candidat du Front , en un portrait assez forcé mais plausible d'une certaine génération de cadres FN (les électeurs, c'est autre chose...)
Ce double propos touche ainsi le cœur et la tête. On passe de l’écœurement (la violence est intense), à l'espoir et la compassion en suivant le parcours de Marco (Alban Lenoir, épatant) . On est aussi touché par la mort d'un jeune drogué ou le désespoir d'un emprisonné. Et parallèlement, on ne peut que réfléchir à ce qui passe de nos jours quand Diastème nous montre les images de la sinistre Marion Maréchal-Le Pen, si proprette, si souriante à la Manif Pour Tous, pareille à cette jolie frontiste pleine de haine qu'avait épousée Marco dans sa jeunesse aveuglée.
J'ai trouvé que le film manœuvrait bien le passage des années, en jouant sur des détails (le minitel, les affiches de Mitterrand, les buts de Zidane, la manif pour tous etc..) et en nous faisant progresser tout en douceur le long de cette ligne de vie. Les acteurs et actrices sont tout simplement impeccables. La cinématographie use très sainement d'une steadicam derrière l'épaule de notre protagoniste, donnant un convaincant sentiment d'immersion. Du beau travail, vraiment.
Incroyable - et inquiétant - qu'un film aussi simple et aussi clair ait ainsi connu ces soucis de sortie en France. J'espère que cette publicité impromptue ne fera que décupler son audience, car il vaut le détour.
Il me semble qu'il constitue un beau portrait humain et une bonne piqûre de rappel sur la réalité honteuse du lisier frontiste. Chaudement recommandé, folks !