Assez surprenant cette espèce de biopic de P'tit Willy d'Evil Skins. Comme Willy, Marco, qui vit en cité et a un père alcoolique, commence comme bonehead adepte de la ratonnade, des soirées bitures et des saluts bras tendus, crâne rasé et bomber réglementaire. Comme Willy, il voit un de ses potes se faire tuer par un punk qu'il tentait d'agresser pendant qu'un autre se prend une balle dans le ventre (clin d'oeil évident à Sniff qui se fait tirer dessus par Laurent Jacqua). Comme Willy, il éclate salement un mec dans la rue avec un déchaînement de violence incroyable. Comme Willy, Marco a un pote qui "pour se marrer" fait boire un mélange alcool-desktop à un immigré ramassé dans la rue (le personnage joué par Paul Hamy est donc inspiré de Régis du Havre). Comme Willy, la violence commence à le dégoûter lentement, la haine et la violence l'abandonnent. Comme Willy, il en perd sa femme et sa fille après un exil dans les DOM-TOM. Et comme Willy, il finit par essayer de se repentir (mais pas de Krishna dans l'histoire cette fois).
On peut également ajouter des détails comme la façon dont certains se politisent et finissent par trouver les crânes rasés assez peu solubles dans leur ambition politique, créant des scissions et autres trahisons dans le milieu.
[Appartée concernant P'tit Willy le "repenti" : sur son blog, il raconte grossièrement et avec une nostalgie un peu dérangeante cette jeunesse qu'il qualifie de "provocatrice" et "antisociale", se cachant derrière une pseudo absence de conscience politique et considérant l'imagerie nazie comme "la provocation ultime". Admettons (non). Quand on casse du Maghrébin, du Juif, de l'Antillais, de l'Africain et du communiste, on a bon dos de se cacher derrière "non mais je m'en foutais des nazis". Surtout qu'il continue de glorifier son passé de "über mensch" qui gagnait tous ses combats dans la rue avec une certaine fierté. Et si on va plus loin, la religion Krishna dans laquelle il évolue fait la part belle à une société de castes où la domination d'une sur les autres reste importante... On ne se refait pas totalement il faut croire.]
Pas inintéressant dans ce que le film raconte des années fastes des skinheads, de l'ambiance, de la violence (les plans au steadycam du début du film - super nerveux et dérangeant - sont vraiment très réussis), le film perd en efficacité avec ses ellipses temporelles et le manque de substance des personnages secondaires. Alban Lenoir est assez bluffant (je n'ose pas imaginer l'état psychologique du comédien après ses journées de tournage dans la peau d'un de ces abrutis de tondus). Quand la haine le quitte, le film perd logiquement en nervosité et c'est la routine, l'ennui, la banalité qui viennent remplacer les bastons et la camaraderie fasciste...
Le propos peut être perturbant si on l'interprète comme la manifestation d'une nostalgie mais je doute que ce soit le propos du réalisateur : il y a effectivement ceux qui se sont politisés et évoluent dans la lumière mais il y a surtout la justice karmique qui touche les anciens camarades de Marco, entre prison, dépression et SIDA. Marco, lui, est libéré de la bête immonde mais paie ses convictions de jeunesse (non non, pas question de parler "d'erreurs de jeunesse") par sa solitude. Soit, mai pas sur d'avoir vraiment envie de le plaindre.
Première moitié de film impressionnante avant de s'enfoncer dans une torpeur maladroite, le film a pour lui de ne pas laisser indifférent... Et en fil rouge au second plan, la respectabilité grandissante des défenseurs de cette idéologie nauséabonde : 5 ans après le film, Génération Identitaire est défendue et même glorifiée par des journalistes en direct à la télé sans que personne n'y trouve à redire. La bête immonde rode toujours et a rarement eu autant de bienveillance que ces dernières années.
Pas de justice, pas de paix.
Plus jamais ça.