Le monde est fait de petits mensonges et de vérités arrangées.
Asghar Farhadi, en chirurgien et observateur à (juste) distance de la société iranienne le sait plus que personne.
Avec Un Héros, après quelques exils filmiques pas toujours convaincants, il revient au drame social qui lui réussit tant et signe un conte moral aussi réaliste que désespéré, où l'honnêteté des uns fait l'intérêt des autres et où les bonnes intentions laissent vite la place aux catastrophes, ne triomphant jamais.
Il plonge à nouveau ses personnages et ses spectateurs dans des dilemmes moraux inextricables et assiste froidement à leur inévitable autodestruction, orchestrant le duel impossible entre compassion et raison, justes causes et satisfaction hypocrite.
En auscultant comme toujours le rôle de l'opinion publique qui fait de victimes des bourreaux avant de retourner en un instant la situation (le rôle des réseaux sociaux et de l'association humanitaire comme entité tierce est ici particulièrement judicieux et apporte son lot de réflexions sur la politique et la communication, tout en finesse, pour échapper à la censure), il montre encore une fois la force et l'intelligence de son écriture ciselée, et ressert avec cruauté et génie son scénario en piège (labyrinthique et presque littéraire, le film en devient étouffant et son auteur presque antipathique) , qui petit à petit étrangle tout et tous, avec en toile de fond une subtile description de son pays (place de la femme, institutions et administrations corrompues, société de l'observation et de la réputation, situation économique fragile, etc.).
Maîtrisé de bout en bout, Un Héros, au titre si pertinent, et porté par le troublant de naïveté qu'on ne cesse de remettre en question Amir Jadidi, est un film noir et implacable, que résume à merveille le superbe plan final, l'une des plus belles visions de cinéma de cette année.