J'ai revu avec un grand plaisir ce polar très méconnu de Jacques Deray, réalisateur de cinéma populaire de qualité (comme Verneuil et Lautner) parmi les plus injustement méprisés par une certaine intelligentsia parisienne de la critique ; ces mecs là m'énervent car ils ne savent pas reconnaître le talent quand il est présent.
Et justement, Deray, en admirateur du cinéma hollywoodien, réalise ici un thriller à l'américaine, avec une ambiance à l'américaine très typée seventies, en allant tourner intégralement aux Etats-Unis, en retranscrivant l'atmosphère moderniste de Los Angeles et en employant plusieurs acteurs et actrices américains (en plus des vedettes, des gars comme Felice Orlandi, Alex Rocco ou Ted de Corsia). Deray a parfaitement assimilé la technique des spécialistes du polar US, notamment des réalisateurs comme Don Siegel ou Richard Fleischer, voire Phil Karlson, dont Un homme est mort peut être considéré comme un brillant "à la manière de...". Comme je le disais, Deray restitue l'ambiance US mais à sa façon, dans un style qui lui appartient, avec une sorte de fausse lenteur contemplative, c'est très inhabituel dans un polar de ce type.
Le personnage incarné par J.L. Trintignant est surprenant, il n'a pas la tête d'un tueur professionnel ni d'un truand, il est mutique avec un physique d'homme tranquille, et il n'a pas besoin d'en faire trop pour imposer un personnage atypique, ces aspects nous inquiètent et nous intriguent. Alors que son ami Antoine incarné par Michel Constantin qui débarque dans la mégalopole californienne vers la fin, a lui, une vraie tête de l'emploi. Trintignant a été piégé après le succès de sa mission qui était de tuer un gros bonnet mafieux, et il est traqué par un tueur glacial et méthodique incarné par un excellent Roy Scheider qu'il retrouve après l'Attentat de Boisset, tourné à Paris la même année. Je me suis souvent demandé pourquoi Deray n'avait pas engagé Alain Delon à la place de Trintignant, avec qui il venait de tourner la Piscine, Borsalino et Doucement les basses ; ce rôle était certes plus dans ses cordes, même si je trouve Trintignant parfait dans son emploi.
Dans le reste du casting, on retrouve Ann Margret, encore très belle en 1972, Angie Dickinson même si son rôle est très secondaire, et l'Italien Umberto Orsini. Leurs personnages sont un peu plus conventionnels, mais le scénario est méticuleusement agencé, et la mise en scène serrée, sèche et précise de Jacques Deray achèvent de rendre ce thriller attachant et très efficace dans un simple but de divertissement.