Imparable

Anne est veuve et a une petite fille nommée Françoise. Jean-Louis est veuf et a un petit garçon nommé Antoine. Les deux enfants sont en pension à Deauville. Les deux parents viennent les voir le week-end. Un dimanche soir, Anne rate son train, Jean-Louis la ramène en voiture sur Paris et "Chabadabada".

Claude Lelouch est loin d'être mon réalisateur préféré. "Un homme et une femme" est loin d'être mon film préféré. Si je le regarde tous les dix ans (en fait, ça doit être tous les quinze ans) c'est le bout du monde. Le scénario est simple comme une omelette aux œufs. Le titre est con comme une blague Carambar. Pourtant... Pourtant, à chaque fois je suis complètement embarqué !

Alors quoi ?

La vérité c'est que Lelouch filme l'essentiel. Qu'Anouk Aimée a une façon de se passer la main dans les cheveux qui fait qu'on ne peut pas ne pas tomber amoureux d'elle. Que Jean-Louis Trintignant est tellement beau qu'on se demande pourquoi un homme doit continuer de vieillir après 35 ans. Que Deauville l'hiver est beaucoup plus cinématographique que Deauville l'été. Que les enfants sont mignons tout plein. Que la Mustang donne envie de prendre la route même sous la pluie. Que la samba de Pierre Barouh est un bonbon qui fond dans les oreilles. Que les Gitanes qu'il faut couper en deux pour fumer moins, que le chien qui court sur la plage, et que les appels de phares sous la musique de Francis Lai (badabadaba devenu donc chabadabada dans la mémoire collective) finissent d'enfoncer un clou dont on se dit qu'il s'est enfoncé tout seul, sans qu'il y ait eu besoin de convoquer le marteau.

Ah ! J'oubliais ! Le grain particulier de l'image qui ne donne pas du tout l'impression de voir un film en couleur. Une espèce de pâleur hivernale traîne sur l'image, comme si le vent avait projeté du sable fin sur la pellicule. Résultat, il fait froid, on tient le col de son manteau fermé mais on se sent bien.

Et puis, Claude inventant la fameuse technique Lelouch en tournant autour de ses interprètes sur le quai de la gare Saint-Lazare.

Oui, tout est en place dans ce film, tout s'enchaîne avec une simplicité confondante, avec ce charme indéfinissable qui fait parfois dire à certaines femmes à propos de certains hommes : "non, il n'est pas beau, mais j'ai envie de lui quand même !".

Imparable, je vous dis !