La comédie de Tristan Séguéla déçoit car elle avait toute la matière nécessaire à un film vraiment drôle avec un bon sujet et d’excellents acteurs. Hélas, le réalisateur est pétrifié de respect pour les personnages qu’il dépeint. L’ensemble manque de cynisme, de mordant, de piquant. Et ce malgré la géniale Catherine Frot.
Alors que Jean, maire conservateur d'une petite ville du Nord, est en campagne pour sa réélection, Edith, sa femme depuis quarante ans, lui annonce une nouvelle qu’elle ne peut plus taire… Au plus profond de son être, elle est - et a toujours été - un homme. Jean pense d’abord à une plaisanterie mais réalise rapidement qu’Edith est sérieuse et déterminée à mener sa transition jusqu’au bout. Il comprend alors que son couple, mais aussi sa campagne électorale, risquent d’être sacrément chamboulée.
On rit parfois mais force est de constater que l’humour est vraiment facile. Un maire de droite, conservateur et en campagne (qui est forcément joué par Luchini) découvre que sa femme veut changer de sexe. Que c’est drôle ! Evidemment, il n’en revient pas, tombe de sa chaise. En fait on rit parce que Luchini fait du Luchini et que Catherine Frot est impayable. Les gags s’enchaînent au début avec rythme : l’annonce au restaurant, l’annonce aux enfants empêchée sciemment par le mari, la femme qui se travestit en homme. Mais ça ne va pas chercher plus loin que ça.
Et puis, Edith décide de faire sa transition et de s’assumer en public. Et là tout se fige ! Le film tombe dans un esprit de sérieux épouvantable. Séguéla n’ose pas l’irrespect, la causticité. Il filme avec une admiration béate une réunion de personne transgenre. Pourquoi ne montre-t-il pas les personnes transgenres avec plus d’humour, de fantaisie ? Le réalisateur manque de courage, d’audace pour faire preuve d’insolence. La comédie ne fait pas mouche et n’est pas le film décapant sur un sujet pourtant brûlant et contemporain. Il est clairement plus facile de ricaner d’un maire réac.
C’est qu’en fait Ségala est un gentil. Il veut faire un film sur la tolérance. La trajectoire des personnages sera inéluctablement positive et le film ne pourra que bien se terminer. Et le scénario en pâtit. Pour atteindre son happy-end de rigueur, il y a plusieurs retournements parfaitement improbables. Tout d’abord, le maire se fait réélire en ayant à peine fait campagne. Ensuite, comme le mari est évidemment intolérant, il se moquera de sa femme/son mari en laissant la porte ouverte, ce qui fait qu’elle va l’entendre et donc le quitter. Mais comme il faut que le personnage évolue positivement, le couple va se réconcilier car le mari a mûri (en un claquement de doigt scénaristique !). C’est consternant.
Heureusement qu’il y a les comédiens ! Ils ont été ma seule source de bonheur sans totalement me combler. Luchini luchinise toujours aussi bien et sans lasser. Séguéla a tout de même soigné les seconds rôles. Philippe Katerine est hilarant dans son énième rôle d’hurluberlu à côté de la plaque. Et puis, il y a l’inimitable Catherine Frot, plutôt inattendue dans le rôle. Elle est à la fois émouvante et fantaisiste. Cette fantaisie qui manque tellement au film.
Malgré les acteurs qui se donnent à fond, on ne peut décemment conseiller cette comédie assez ratée à des amis. Le cinéaste manque de courage et choisit la facilité pour réaliser une comédie gentillette et poussive sur les personnes transgenres.