Aussi cruel qu'un cri qu'on ne saurait entendre...
Ce qui est le plus marquant avec cet Homme qui crie, en dehors du fait qu’il ne crie pas, c’est son étonnante simplicité. Le film marche ainsi, la mise en scène est sobre, assez efficace néanmoins, l’histoire est touchante et ses personnages le sont également. L’acteur principal n’est pas pour rien dans cette impression. Il la porte même sur ses épaules de sexagénaire qui se voit raccompagner à la porte de sa petite piscine, dépassé par la jeunesse de son fils. Le réalisateur décrit là un pays en guerre, en situation difficile, sans se cantonner à ce conflit qui n’est qu’au second plan dans ce film. Et pourtant, il est bien présent. Mais son absence à l’écran le rend encore plus dramatique et imprévisible car n’est-ce pas comme cela que l’on vit dans une pareille situation ? Toujours dans l’expectative, le doute ? Superbe de rage contenue, Youssouf Djaoro, sans le sou, se voit contraint de livrer son fils. L’absence de musique et le calme qui règnent sur le film renforcent l’impression de solitude et de désarroi du père, abandonné derrière sa peur de l’incommunicabilité. Et le réalisateur sait à merveille comment la faire ressortir à l’écran, notamment par ce gros plan sur son visage dont l’émotion retenue est palpable mais totalement incernable. Les longues scènes où il erre dans la ville sont là également pour le rappeler. Après, il y a ici et là des choses qui me paraissent moins judicieuses, moins naturelles, c’est le cas surtout de la scène où la jeune fille se met brusquement à chanter après avoir écouté l’enregistrement d’Abdel. Pourquoi pousser la chansonnette à ce moment là ? Pour toucher le public ? Quelle qu’en soit l’intention véritable, cette scène m’a dérangé tant elle m’a paru forcée et presque risible. On s’achemine alors doucement vers la fin du film où Adam va tenter de récupérer son fils. Là encore, l’approche de la fin du film me semble un peu en dessous du reste, elle est trop rapide, d’autant plus que finalement le film est plutôt court. Mais ce final, magnifique, relève nettement le bilan. Superbement filmé dans un décor magnifique où les deux hommes retrouvent le contact de l’eau. Et cette nage funèbre d’Abdel qui vogue vers l’infini tandis qu’Adam reste là, meurtri et incapable de le suivre, la soixantaine pesante, il est sans doute temps pour lui de passer à autre chose. Mais le pourra-t-il ?