Plus de dix ans après les attentats du 11 septembre 2001, la ville de Hambourg a du mal à accepter le fait qu'elle a abrité une importante cellule terroriste à l'origine des attaques contre le World Trade Center. Lorsqu'un immigrant russo-tchétchène maltraité arrive dans la communauté musulmane de Hambourg pour réclamer la fortune mal acquise de son père, les services secrets allemands et américains sont en alerte.
La grande qualité du film est de dépeindre l'espionnage sans fard. Au contraire, nous sommes immergés dans un service de renseignement dans ce qu'il a de plus concret, de plus banal. Les journées sont occupées par les filatures, les écoutes et les interrogatoires. Cela m'a un peu rappelé ‘L'armée des ombres’, le film de Jean-Pierre Melville sur la Résistance, où l'on va à l'encontre de la doxa qui voudrait que les activités des agents soient trépidantes. Au contraire ici, comme dans le film de Melville et contrairement aux James Bond, il n'y a pas d'action, mais plutôt de la non-action. Les agents passent le plus clair de leur temps à attendre ce qui ne pourrait peut-être pas se produire, à recueillir des informations.
Ce qui est remarquable dans ce film, c'est son sens de l'observation. Rien n'est rendu glamour. Bien au contraire, tout semble sordide. Les agents travaillent dans des locaux sinistres et semblent disposer de peu de moyens. Leur travail s'apparente parfois à du bricolage. Cet aspect un peu glauque est très bien rendu, notamment grâce à la photographie très soignée du film. La photographie, plutôt sombre, montre d’ailleurs Hambourg comme une ville inquiétante, anxiogène, constamment sous menace.
Le cinéaste néerlandais est un maître du suspense. Notamment grâce à l'économie d'événements qui nous tient constamment en haleine. Que va-t-il se passer et quand ? Évidemment, le sujet du film - la menace terroriste - nous touche et fait beaucoup pour l'intérêt que nous portons au film. La question est de savoir qui est l'ennemi. Est-ce le réfugié tchétchène qui a fui la torture ou le prédicateur islamique respecté et établi depuis longtemps en Allemagne ?
Ce qui est également intéressant, c'est le portrait que le film dresse des services secrets. Ou plutôt, la rivalité entre les différents services de renseignement. Si l'ennemi (le terrorisme) est commun, chaque service défend les intérêts du pays qu'il représente. En manipulant les autres et sans approche globale.
En s'éloignant du film et des considérations artistiques, ce qui fait la force du film, c'est Philip Seymour Hoffman. 'Un homme très recherché' est l'un des derniers films de ce remarquable acteur américain, décédé prématurément d'une overdose en 2014 à l'âge de 46 ans. Ce qui est surprenant, c'est que le personnage qu'il incarne dans le film, qui a pris du poids, boit et fume trop, semble se fondre avec l'acteur. À moins que ce ne soit l'inverse.
Injustement méconnue et moins connue que "La Taupe" (objectivement un meilleur film), cette adaptation d'un roman de John Le Carré mérite d'être vue. Avec un suspense qui s'installe dès les premières minutes, L'homme le plus recherché est un excellent film.