Un jour dans la vie
7.6
Un jour dans la vie

Documentaire de Kevin Macdonald (2011)

Tout le monde est déjà tombé sur des vidéos de quidams de l'autre bout du globe qui s'amusent filmer quelques bribes passionnantes de leur vie pour les uploader sur YouTube et faire partager au monde des délires qui n'appartiennent qu'à eux. Life In A Day, c'est ça, en version plus sérieuse, introspective même. YouTube est devenu un fourre-tout, mais de ces vidéos personnelles on peut écrire une histoire, l'histoire d'une espèce, à un moment donné. C'est le défi que s'est imposé Kevin Macdonald en voulant créer une œuvre représentant une majorité de la population terrestre à travers un long-métrage uniquement constitué uniquement de vidéos d'"amateurs". Grand habitué des documentaires, le réalisateur touche ici à quelque chose de totalement différent, où il n'est pas maître de ce qui a été filmé. Se retrouvant avec plus de 4500 heures de pellicules sur les bras, il a dû en extraire une heure trente, les quatre-vingt-dix minutes les plus significatives, pour représenter une journée à l'échelle mondiale, celle du 24 juillet 2010, date où tous les contributeurs ont filmé ce qui leur semblait important. Une démarche titanesque jamais vue jusqu'alors, et produit en partie par le célèbre réalisateur Ridley Scott.

Il n'y a pas forcément besoin d'acteurs, ou de scénaristes pour mettre en scène une histoire. La vraie histoire, celle qui nous change à jamais, c'est effectivement celle de notre vie, celle vécue différemment par tout un chacun. Celle que des personnes du monde entier ont souhaité partager en quelques plans dans ce film, peu importe sa banalité, peu importe leur état d'esprit. Une histoire authentique et touchante partagée par tous en l'espace de 24h.

En voulant dégager des thèmes et ressentis, le réalisateur a, en quelques sortes, connecté tous ces gens aux vies aussi semblables que disparates, aux existences aussi millimétrées qu'imprévisibles. Toutes ces personnes sont mus par des besoins similaires, tout en les abordant différemment, selon leurs conditions sociales et leurs cultures. Ces gens qui suivent des rituels quotidiens, et peuvent d'un instant à l'autre voir leur vie bouleversée par un évènement soudain. Chacun attend, désespérément, qu'il se produise quelque chose d'exceptionnel pour pallier à la routine habituelle, faire bouger une vie qui stagne dans un cycle indéfini ; et dans l'attente, on poursuit cette monotonie à l'instar de milliards d'autres personnes.

Ainsi, pour mettre ces points en exergue, le film se déroule assez classiquement. Assimilant à l'aube du 24 juillet des scènes de naissance, puis l'épanouissement de l'enfance et le début d'une journée de travail, différant selon les générations. L'homme vit, il doit se nourrir, chasse, tue, ou bien se repose sur l'élevage industriel de masse, selon la société. Une vie façonnée par les sentiments. L'homme aime, fonde un foyer, se marie. Le temps passe, et quelques scènes de loisirs, de détente, viennent marquer cette capacité à l'épanouissement. La fin de la journée approchant, est dressé un parallèle avec la mort, les morts, des accidents, des drames, des vies changées à jamais, tandis que d'autres poursuivent leur cours, insouciante de ces scènes tragiques, espérant tout de même qu'un évènement qui bouleverse leur quotidien, ou attendant de pouvoir changer le monde, provoquant leur sort. Le 24 juillet 2010, une journée comme les autres, au final ; une tempête qui gronde, un cancer qui ronge, des maladies qui n'en sont pas. Religions, politiques, cultures et traditions ayant également leur part d'influence sur l'avenir de ces existences. Mais le tout est simplement de survivre, car il y a encore demain.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, Life In A Day n'est pas un charabia de vidéos mal cadrées et tremblotantes, mais se révèle étonnement bien construit et cohérent. Et ce, essentiellement grâce à l'édition brillante de toutes ces différentes scènes de vie. Subsistent trois questions auxquelles Kevin Macdonald voulait que les contributeurs répondent, créant des points de scission dans ce long-métrage : "Qu'aimez vous ?", "Que craignez-vous ?", "Qu'avez-vous dans vos poches ?" Des interrogations qui permettent à certaines séquences de s'articuler indépendamment de la vie quotidienne et se développer entre contrastes et similitudes saisissantes où les origines importent alors peu. Les séquences sont excellemment montées l'une après l'autre, en parallèle, l'une dans l'autre, et la musique, orchestrale et merveilleuse de Harry Gregson-Williams permet d'instaurer une certaine homogénéité dans ce récit kaléidoscopique. Le compositeur crée des morceaux prenants aux cordes frottées sentencieuses et évocatrices, et aux caractères assez intimistes en dépit de la grandeur du projet. À son travail s'ajoute celui de Matthew Herbert qui, lui, joue énormément sur les bruitages renforcés des vidéos pour créer des schémas dynamiques captivants, tout en utilisant des instruments plus expérimentaux et musiques ethniques. Un thème musical se construit, accrocheur, et repris par quelques interprètes (Ellie Goulding, Baaba Maal) donnant cette sensation à la fois de diversification et d'équivalence.

Loin d'être de piètre qualité, deux-trois vidéos pixelisent un peu à l'écran, mais la plupart sont de bonnes qualité, sans non plus avoir ce piqué et cette profondeur de champ professionnels toutefois. Cependant certaines se parent de l'attribut HD et viennent s'intercaler gracieusement sur les moments forts des compositions. Des équipes de tournages attitrées (ou une personne seule d'ailleurs) ont dû se charger de suivre certains habitants, certaines populations, peu au courant de ce projet, ou dans l'incapacité d'y participer sinon, et les questionner sur leur quotidien. Alterné avec tous ces séquences consacrées à l'Homme sous toutes ses formes, on trouve également des plans de l'environnement, ou même d'animaux pour montrer que l'on fait partie d'une machinerie bien plus importante qui suit également un cycle constant.

Life In A Day est finalement assimilable à ces projets de capsules temporelles qui ont pour but de collecter des bribes de l'existence de l'humanité d'une époque pour les générations futures. Ce film représente une myriade de cultures, d'existences qui, toutes, composent l'humanité. Une œuvre intemporelle parfaitement représentative de ce début du deuxième millénaire qui gagnerait à perdurer comme témoignage dans le temps d'une génération multi-connectée. Poétique, drôle, émouvant, révoltant, horrifiant, Life In A Day parcoure les vies comme on parcoure les pages internet. D'un simple clic, on voyage d'univers en univers, à travers le monde, en l'espace d'une journée banale pour les uns, et extraordinaire pour quelques autres. C'était la première pour certains, mais aussi la dernière pour d'autres. Une journée comme les autres, en somme, transformée en un conte exceptionnel.

Le film est disponible légalement, sous-titrage français et version HD inclus, ici : http://youtu.be/JaFVr_cJJIY
AntoineRA
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Créée

le 9 nov. 2012

Modifiée

le 10 nov. 2012

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AntoineRA

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