"Steal a little and they put you in jail, steal a lot and they make you a king" (Sweetheart like you)
Nous suivons l’arrivée du jeune Bob à New-york pour rendre visite à son idole Woody Guthrie sur son lit d’hôpital, où il rencontre Pete Seeger,autre musicien folk connu de cette époque pré-histoire du rock et de la pop. Cette rencontre fournit au jeune musicien ses premiers contacts dans le milieu folk que son talent révolutionnera bientôt, lui valant une foule d’admirateurs voyant en lui un guide de la contre-culture voire une sorte de messie, un phénomène qu’une des qualités premières du film est de permettre d’apprécier dans le contexte de l’époque pour les spectateurs jeunes et moins jeunes hors-U.S pouvant peiner à comprendre l’importance de cet artiste.
Le jeune Dylan s’installe à Greenwich Village, rencontre sa non sans importance petite amie d’alors, jouée par Elle Faning, puis une Joan Bez déjà célèbre (notable Monica Barbaro), et révèle progressivement certains aspects fuyants de sa personnalité, apparenté à du nomadisme ou un refus de tout engagement autre qu’à sa muse. Sans que cela soit lourdement surligné, la narration perd alors en précision, comme si le retrait du monde d’un Dylan enfermé dans son mystère, altérait autant son entourage que les enjeux du film.
Noté pour son interprétation, Timoté Chalamet est bon, effectivement. Chalamet l’est souvent, même dans Dune où ce n’était pas gagné, et touche parfois à l’évidence, comme chez Woody Allen. Ici il est servit niveau poses iconique post rimbaldienne de son modèle, engoncé dans le brouillage/maquillage caméléonique de son image, pas si loin de ce que proposeront plus tard Bowie ou Lou Reed, de façon plus ou moins maitrisée. Pièce essentielle de cette échappée, Chalamet interprète apparemment les morceaux lui-même et le fait remarquablement, cependant son timbre nasillard peut paraître forcé dans les parties de dialogue, ce qui peut agacer ou paraître artificiel. Mais à sa décharge la cause provient peut-être de son modèle, Dylan lui-même.
Auteur quasi-omniscient dans ses grands moments et interprète protéiforme capable d’invoquer la mélancolie la plus rêveuse et solitaire jusqu’à la menace apocalyptique, ou de convoquer avec une exhaustivité hypermnésique les fantômes de ses prédécesseurs folk country blues, ses chansons ont révolutionné la musique anglo-saxonne et relevé la barre de tous ses contemporains jusqu’à la prod’ du demi-siècle qui a suivi, mais sa voix peut rendre l’écoute délicate passé deux-trois titres pour pas mal d’auditeurs surtout chez les non-anglophones. La preuve étant que des reprises par d’autres comme nous le voyons dans le film mais aussi Nina Simone, The isley Brothers, Pj Harvey ou le 13th floor elevator, pour en citer d’autres qu’Hendrix ou les Guns, l’ont rendu plus accessibles à un certain public.
Sur un telle durée, la promesse du titre du film ne sera pas entièrement tenue pour le spectateur qui s’arrête là. Dylan a eut autant de vies qu’un chat, des incarnations que le I’m not there de Todd Haynes invoquait non sans tempérament, et dont une visite sur sa page Wikipédia _ en passe de devenir très recommandable depuis qu’Elon Musk le voue aux gémonies _ donnera une idée, avant plus si affinités. Un Parfait Inconnu ne s’attache qu’à une d’entre elle mais sous un classicisme formel apparent se cache une finesse de narration non empesée, agréable à suivre dans la durée et autorisant une partie du mystère.
Mieux que pas mal de biopics du genre.