De James à Mangold
Il s'en est passé, des choses, entre Walk the line et A complete unknown, entre Johnny Cash et Bob Dylan, entre Joaquin Phoenix et Timothée Chalamet, entre James Mangold et James Mangold. Il s'est passé pour le réalisateur de ces deux biopics quelques films de franchise Marvel, et cela se ressent. C'est peut-être même la plus forte sensation qu'on ressent, car le film ne regorge pas d'émotions.
Sur certains points cependant, Mister Mangold ne s'est pas renié : ses acteurs chantent et jouent vraiment (c'est d'ailleurs le même coach de voix qui a entraîné Joaquin Phoenix et Timothée Chalamet et, comme il est beaucoup question de Johnny Cash ici aussi, on aurait pu espérer un retour de Joaquin pour faire le lien direct entre les deux films), et il ne cherche pas forcément à idéaliser en tous points ses idoles : ici, Bob Dylan est insupportable (et sans doute fidèle à lui-même).
Mais James trahit Mangold à plusieurs reprises et signe finalement un biopic assez classique, très sage, le comble quand on veut présenter Bob Dylan. Deux choses sont passées entre temps, la première, je l'ai dit, ce sont les films de franchise que James Mangold a réalisé, et l'autre, c'est la multiplication des biopics musicaux qui se b(l)asent sur le modèle très creux de Bohemian Rhapsody.
Chalamet cherche à imiter le timbre de voix de Bob Dylan, donc, et ça passe plutôt bien au chant, mais quand il s'agit de simples dialogues, Timothée La Grimace apparaît ! (Il me semble que le même reproche a été fait à Tahar Rahim pour son interprétation de Charles Aznavour.) C'est cocasse, quand on entend Dylan-Chalamet reprocher à Baez-Barbado qu'on entend qu'elle fait trop d'efforts quand elle chante... et Chalamet n'arrive pas à se défaire totalement de son physique très neutre dans ses imitations, ce qui crée un mélange assez étonnant. Il aurait peut-être mieix valu prendre un vrai parfait inconnu... parce que ça marche plutôt bien avec Monica Barbado en Joan Baez, moins célèbre que Timothée Chalamet.
Et puis, le traitement de la foule est très mal écrit. Elle réagit comme une seule personne, adore ou déteste en chœur, et peut passer de l'un à l'autre en dix secondes. Tout fonctionne comme cela doit fonctionner. Ce défaut, très américain, du tout ou rien, déteint évidemment jusque dans la réalisation très lisse et léchée, parfois clichée, qui ne laisse aucune place à la fioriture, que la musique de Dylan érige pourtant en symphonie ! Rien de rebelle dans ce biopic, finalement, et hélas. On passe un moment un peu sympa à écouter des chansons sur un grand écran, quoi... de la part du rare cinéaste à avoir réussi à réaliser un biopic musical un peu plus intéressant que ça, c'est un peu frustrant, non ?