Mina (Carole Bouquet) est l'épouse de Georges (Gérard Depardieu) depuis 15 ans et a un fils de 15 ans. La passion du début s'est ensommeillée chez Mina qui se laisse séduire par le sémillant ingénieur Mathias (Charles Berling) rencontré dans un cinéma.

Le titre du film est une allusion directe au contexte du scénario qui tourne autour de la construction du pont de Tancarville qui permet de relier les deux rives de la Seine au plus près (à l'époque, en 1959) de l'estuaire. D'ailleurs Georges et Mathias travaillent sur le chantier, habitent tous deux Yvetot et Georges est subordonné à Mathias.

Mais le titre est surtout une métaphore avec Carole Bouquet étant le pont entre deux rives réputées alors injoignables sauf par des bacs. Un normand de la rive droite qui parle de la rive gauche, dit traditionnellement "de l'autre côté de l'eau" (expression qui m'avait étonné et amusé à mon arrivée en Normandie) pour en signifier l'éloignement …

Et les deux rives sont aussi injoignables que Georges et Mathias. Georges, c'est le petit bonheur ouvrier ou bourgeois, tranquille et sans surprise avec une petite maison pimpante, un petit jardin potager derrière et quelques fleurs en façade. Mathias, c'est l'ingénieur spécialiste des ponts qui parcourt le monde. Là, il fait le chantier de Tancarville avant de partir sous d'autres cieux, de par le vaste monde. Autant dire que Georges n'a pas les moyens de faire le poids face au désir d'aventure de Mina. Même si la carrure de Georges en imposerait largement à Mathias ^^.

On peut aussi voir les choses autrement : les deux rives sont injoignables comme les périodes d'avant le pont et d'après le pont. Une fois dans le présent, impossible de revenir en arrière. L'Histoire a bougé.

Au-delà de ces considérations, ce qui est intéressant dans ce film, c'est, pour moi, le personnage de Georges et le jeu de Depardieu que je trouve excellents dans leur sobriété et leur tristesse. Il prend la mesure du temps qui a passé et qu'il n'a pas su retenir. J'aime bien aussi le jeu de Carole Bouquet dans ce déchirement entre sa vie antérieure heureuse, la conscience du mal qu'elle fait à Georges et un avenir possible plus aventureux qui l'attire irrésistiblement.

La reconstitution de l'époque de la fin des années 50 me parait bien réussie mais les films qui passent au cinéma, Jules et Jim (62), West Side Story (61), me paraissent légèrement anticipés par rapport à la mise en service du pont en 1959 … Mais vu de 1999 (date de sortie du film) qui peut le voir ?

Mais je voudrais terminer par une anecdote amusante que m'avait raconté un collègue qui habite à quelques centaines de mètres du lieu de tournage d'une petite scène à Marais-Vernier (Rive gauche).

Il s'agit de la scène de deux jeunes qui font du stop avec une pancarte "Le Havre". Or, en l'absence du pont, de cet endroit précis, il est très compliqué d'aller au Havre (il faut revenir en arrière, rejoindre un bac, …) et mon collègue était offusqué d'une telle négligence de la part des cinéastes. En fait, l'action se déroulant essentiellement à Yvetot (Rive droite), y faire du stop vers le Havre prend alors tout son sens puisque il y a la N15 qui relie Yvetot et Le Havre. Mais comme le tournage n'avait pas lieu à Yvetot mais rive gauche …

Au final, c'est un film sans grande prétention sur un sujet très classique de triangle amoureux mais je le trouve bien joué par les acteurs (Depardieu et Bouquet) qui adoptent un ton très juste et très convaincant.


JeanG55
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le 27 janv. 2025

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JeanG55

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