Un Prince est un film qui a enfin trouvé sa place sur la scène cannoise après vingt ans de discrètes réalisations par Pierre Creton. Ce cinéaste singulier, qui combine son métier d’ouvrier agricole avec une carrière de cinéaste, continue de repousser les frontières de l’expérimentation formelle dans le paysage du cinéma français. Un Prince ne fait pas exception à cette approche iconoclaste. Il s’agit d’un conte sans visage, d’une comédie poétique qui explore le récit d’un éveil sexuel en mettant en avant des relations homosexuelles. L’œuvre de Creton semble éloigné des préoccupations LGBT en ne se concentrant pas sur la question de la différence.
Pierre Creton a façonné son film de manière exceptionnelle en tirant son inspiration des monologues élaborés par chacun des acteurs du film, créant ainsi une œuvre collaborative et communautaire. Cette approche insuffle au projet une dimension collective, où les personnages du film, tout comme ceux qui les incarnent, semblent vivre ensemble, travailler ensemble, et partager un espace clos et intimiste.
Les voix off, dont Mathieu Amalric, Grégory Gadebois et Françoise Lebrun, diffèrent des personnages à l’écran, créant un jardin d’Eden cryptique où la réalité défie le vraisemblable. Le film brille par sa ruralité et la chaleur qui émane des acteurs amis du réalisateur. L’enchevêtrement des voix crée une polyphonie intérieure qui insuffle une dimension romanesque à l’ensemble.
Le film, bien que stimulant, peut sembler inaccessible aux non-initiés en raison de son style qui défie les conventions, avec des images et des sons qui ne se connectent pas toujours. Cependant, il reste une expérience rare, réservée aux audacieux qui souhaitent défier la standardisation filmique. Un Prince est avant tout un film radical qui s’inscrit dans la lignée de l’œuvre singulière de Pierre Creton. Il nous fait visiter le monde rural avec une vitalité et un désir intarissable, tout en poussant les limites de l’érotisme.
Ce choix narratif met l’accent sur la pureté figurative des images, rappelant la peinture, et donne au film une dimension quasi hagiographique. Un Prince nous rappelle l’harmonie du vivant. Dans Un Prince l’un des éléments les plus intrigants réside dans une scène qui embrasse une touche fantastique, parfaitement alignée avec le caractère conte du film. Cette scène évoque le thème du fantasme inavouable et impossible.
C’est dans ces moments où le récit se détache de la réalité qu’il invite le spectateur à se perdre dans un monde où les frontières entre rêve et réalité s’estompent.