Waouh ! Des films qui savent monter en puissance comme ceux là, moi, j’en veux tous les jours ! Allant chercher son personnage là où il se trouve – au fond du trou – ce "Prophète" commence par nous faire un petit peu peur tant il nous la joue cinéma à la limite de l’anti-art : réalisation minimaliste, cadre douteux, jusqu’au misérabilisme outrancier qui fait le fond de commerce des Dardenne… Là déjà, le spectre du miteux "Hungry" se laisse entrevoir et on sent l’ennui pointer. Mais voilà… De l’autre côté de la caméra il y a Jacques Audiard, et très vite la réalisation sait se mettre au diapason de son personnage. Une demi-heure à attendre seulement et le film s’emballe enfin. Soudainement, au milieu de cette bouillie dardiennienne, une véritable intrigue se pose, des personnages forts et subtils se dessinent, des cadres cinglants viennent saisir l’esprit… En un mot un monde se créer. La voilà la prophétie d’Audiard : créer de l’art au milieu de l’apathie cinématographique ambiante. Voilà un film qui n’a pas peur de créer des moments d’onirisme au milieu du pire, qui n’a pas peur des artifices plastiques et musicaux pour transcender son récit. Et c’est cela le vrai cinéma : le cinéma qui cherche à faire vibrer ! Et ce vrai cinéma se ressent au plaisir qu’il suscite. Oui, on pénètre cet univers ; on dévore ses personnages (Tahar Rahim et Niels Arestrup : sublimes !) et on se passionne de ses relations de plus en plus ambiguës et riches de sens. Voilà un grand film comme on les aime ! C’est des films qui savent nous travailler au corps et nous enivrer par leur rythme et leur science de la mise en artifice qu’il nous faut ! Ce « prophète » le fait avec génie, et on ne peut se prosterner devant lui pour la qualité du spectacle qu’il nous a fourni. Nul doute là-dessus : le chantre du beau cinéma ne s’est pas laissé prendre par les mauvaises modes du moment : Jacques Audiard est bien encore là pour nous servir un nouveau chef d’œuvre qu’il serait bien malheureux d’ignorer…