Jean Gabin, Jean-Paul Belmondo, Michel Audiard, Henri Verneuil. Quand deux des plus grands acteurs français de l'Histoire se donnent la réplique, faisant vibrer de leur génie les dialogues d'un grand magicien de la langue française sous la direction d'un réalisateur dont on ne compte plus les chefs d’œuvres... il faut s'attendre à du grand cinéma. Et sans surprise, Un Singe en Hiver est un des joyaux du cinéma français.
Une nuit de 1944, les Alliés font pleuvoir un déluge de bombes sur un petit village côtier de Normandie. Albert Quentin (Jean Gabin), ancien fusiller marin en Chine, est dans sa cave, saoul jusqu'au bout des doigts. Pour calmer sa femme terrifiée il lui promet que s'ils en réchappent il ne boira plus jamais une goutte d'alcool. Chose promise, chose dû : Albert est sobre et s'ennuie depuis 15 ans quand un jeune homme, Gabriel Fouquet (Jean-Paul Belmondo), pose ses bagages dans le petit hôtel tenu par le couple Normand. La nuit, Gabriel brave les froides nuits d'Automne pour s'en aller noyer son désespoir amoureux dans la boisson. Il se transforme alors en un autre homme qui danse le flamenco devant les yeux des locaux médusés, chante la sérénade à tue-tête dans les rues désertes et joue à la corrida avec les voitures. Albert voit alors en Gabriel le poète de la cuite qu'il était autrefois, quand l'alcool lui donnait le pouvoir de remonter en une nuit les 6 000km du fleuve jaune : le Yang-Tsé-Kiang, de coucher avec toutes les prostituées de Shanghai et de pourfendre de sa verve les poivrots « au vin petit et à la cuite mesquine » comme il pourfendait de sa baïonnette les chinois belliqueux. En bonne justice et à notre grand ravissement, les deux compères s'élanceront ensembles pour une ultime beuverie légendaire.
Formidable Ôde à l'Ivresse, Un Singe en Hiver est drôle, émouvant, poétique et profondément humain. Ses personnages un peu fous qui parlent un français sublime, aux tournures ciselées et où l'argot se mêle aux Belles Lettres, nous paraissent aussi vivants que s'ils étaient à coté de nous. Pour les « Grands Ducs » boire n'est pas un vice ni même un plaisir, mais un art qui libère les esprits fertiles et donne du corps aux rêves.