"Un singe en hiver" est un joli film amer où l'on cherche à vivre intensément, où l'on voyage par procuration, où l'on se trouve une famille. Mourir d'avoir vécu, c'est ce que semblent craindre les hommes... C'est donc la rencontre entre Gabin et Bebel, le tout écrit par Blondin. Audiard est repassé sur les dialogues ce qui ne gâche rien mais qu'on se rassure, tout le monde joue la partition en sourdine : Gabin et Belmondo sont plutôt sobres (quand ils ne sont pas cuits, ahah) et les répliques d'Audiard d'habitude servies à la louche sont ici dosées à la petite cuiller. Surtout il y a cette attirance mutuelle, ce côté père/fils de ceux qui se reconnaissent. Le film prend son temps, ce qui n'est pas la moindre de ses qualités, et éclot tout doucement, sans avoir l'air d'y toucher, le temps de quelques scènes faussement anecdotiques. On surprendra même Verneuil à quelques audaces, la réalisation n'étant pas aussi plan plan qu'elle en a l'air.
Bon évidemment le film s'offre quelques facilités : tout le monde il est vieux et con sauf nos deux héros. Faut voir la crasse autour, l'hypocrisie ordinaire, si bien que quand nos sympathiques compères sont pétés la nuit et qu'ils font des doigts à tout le village, on jubile (devrait-on vraiment ?). Les codes sont ainsi astucieusement renversés : boire devient un courage, se noyer c'est vivre, se cuiter c'est combattre le quotidien (danser le flamenco, toréer les voitures, les feux d'artifice). Le film nous dit presque que ne pas boire c'est être lâche. En réalité, si les personnages sont si attachants, c'est parce qu'il est difficile pour le spectateur de voir quelqu'un se scier la branche lui-même et boire est une manière de s'auto-détruire assez émouvante. Verneuil transforme ça en : ils savent qu'ils ont tort, mais vivre est plus fort qu'eux.
On le voit, le film tient davantage à son atmosphère chaleureuse, à son frisson de camaraderie, à cette vie dont on aimerait rattraper quelques wagons sur le tard, qu'à un véritable message (et ce n'est pas plus mal).
Film mineur mais touchant, Verneuil réussit dans un genre 100% français, sur les traces de Duvivier.