Un singe en hiver parle d’alcool bien sur, mais pas de cet alcool du quotidien, de l’ordinaire, de cet alcool petit et mesquin que les piliers de comptoirs et les bois sans soif s’ingurgitent sans passion, comme pour attendre que ça passe . Un singe en hiver parle de la biture, de la cuite, et de ceux qui l’utilisent pour partir en voyage, pour exploser en millier de couleurs bigarrées, et sortir d’eux même, comme une expérience mystique , comme un rituel chamanique, comme une manière de se révolter, de dire merde à la connerie ambiante des gens trop petits pour vivre une aventure, et bien sûr d'oublier ses peines.
Mais même si ce film parle de l’alcool et de son abus sans tomber dans l’idéologie bien-pensante des sobres et des tristes ni dans l’apologie dionysiaque, le film de Verneuil parle de beaucoup d’autres choses. Il parle d’amitié entre autre aussi. De ces deux hommes qui se reconnaissent, ou plutôt, qui reconnaissent la souffrance en chacun d’eux et qui voient au fond de leurs verres des merveilles qui semblent inaccessibles aux autres. De deux amis voguant sur le même bateau ivre; des nuits de chines et du Yang-Tsé-Kiang pour l’un et de tauromachie pour l’autre.
Un film qui parle de voyage, de peur, de courage, de la force de l’imagination, de la nostalgie, de l’amour, et des plus grandes aventures qu’on puisse vivre, celles qui se passent dans nos têtes. Un film en noir et blanc qui pourtant resplendit de mille couleurs à l’image du feu d’artifice de la fin dont on a jamais vu son pareil à l’écran tant sa force renvoie à l’ensemble du film. Et puis le film, comme le feu d’artifice et un peu de notre joie, finit, s’éteint, comme il en est pour toutes choses qui brûlent et qui vivent, rongées petit à petit par le temps qui passe, et pénètrent dans le long hiver du cœur et de l’âme...ultime gueule de bois
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Je suis un peu triste, alors ce soir, j’irai peut-être voyager sur le Yang-Tsé-Kiang, deviendrai toréador et j’irai repeindre le ciel avec du feu directement sorti d’une bouteille.