La peau… Elle recouvre notre corps, et pourtant, nous n’y prêtons pas souvent la moindre pensée. Nous croyons qu’elle est acquise et que personne ne pourra atteindre ce qu’il y a sous cette enveloppe de tissus. Nous nous trompons. Si les peaux ont toutes une texture semblable en apparence, si on s’approche de plus près, si on regarde de plus près, si on touche… A ce moment, nous pouvons saisir toutes les subtilités inhérentes à chaque être. Douceur, rugosité, imperfections, nous pouvons mieux saisir ce que la peau dit d’une personne en allant au plus près d’elle.
Jonathan Glazer, réalisateur d’Under the skin (sous la peau en français), s’est mué en explorateur de la peau, des différentes peaux dont nous sommes tous recouvert. Pour cela, il a choisi la sculpturale Scarlett Johansson. On pourrait penser que c’est de prime abord facile, que prendre une actrice très belle, la montrer toute nue devant un miroir, ferait son plus bel effet. La démarche est bien plus profonde que cela. Scarlett Johansson possède une beauté vénéneuse ; échappant aux standards de beauté, son corps épouse des rondeurs non négligeables. Elle les dévoile pour la première fois dans ce film hybride, quasiment expérimental, elle se dévoile, se met à nu, examine son corps devant un miroir… mais ce n’est pas Scarlett.
C’est une autre personne, c’est cette entité biologique extraterrestre héroïne du film de Glazer, sorte de vampire doublé d’une veuve noire. Son but sur Terre ? Attirer des mâles en totale déréliction, seuls, abattus par une vie monotone et souvent noyée dans l’alcool. Elle les attire, leur fait toucher sa peau par une caresse sur la joue, les met en confiance puis les entraine dans un piège mortel. Scarlett trouve dans ce rôle une réelle opportunité de s’affranchir de son corps. Jonathan Glazer fait d’elle à la fois la plus douce et la plus dangereuse des femmes. Le film est sans cesse parcouru par ce malaise, cet oppressant érotisme qui se dégage de son personnage. Par une radicalité aussi simple qu’une scène où l’entité jouée par Scarlett déshabille une femme, lui prend ses vêtements pour les mettre, le tout plongé dans une lumière vive, sans aucun élément de décor, Glazer nous propose une idée de cinéma épurée de ce qui en fait son sel, de ce qui en fait sa peau. Si l’entité revêt une nouvelle peau, le cinéma est lui représenté par cette unique lumière vive, métaphore de sa nudité. Le cinéma est à nu et attend d’être habillé. Il attend d’être vêtu par le réalisateur qui essaie de le parer des plus beaux habits afin de le rendre le plus beau possible.
C’est pour cette raison qu’Under the skin ne traite pas uniquement d’une extraterrestre qui se glisse dans la peau d’une humaine. Under the skin interroge le cinéma en tant qu’objet de chair et de sang. Comment habiller le cinéma ? Comment le rendre le plus beau possible ? Le beau réside t-il également dans l’abjection ? Comment la laideur peut aussi être belle ? C’est ainsi que Scarlett découvre petit à petit que la peau humaine est la plus dangereuse des armes. Un des hommes rencontrés est complètement défiguré, seul et abandonné de tous. Sous cette peau à l’apparence horrible se cache une âme à l’infinie bonté et aux fêlures insoupçonnées. Par le truchement du regard doublé d’une velléité sincère à réhabiliter le toucher, Glazer offre une scène hypnotique de séduction de l’homme sans visage par une Scarlett se fondant de plus en plus dans la peau d’une humaine et se découvrant des failles et des sentiments.
(Suite de la critique par ici : http://lasoifduseptiemeart.com/2014/06/24/under-the-skin-scarlett-dans-la-peau/)
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