Lorsqu’une famille pauvre de Tokyo recueille pour la nuit une petite fille maltraitée, se pose à eux un dilemme moral, doivent-ils ou non la remettre à ses parents violents ?
L’ambiguïté de la situation et les enjeux moraux qu’elle recouvre seront le fil rouge d’Une Affaire de famille. Avec la délicatesse qui le caractérise, Kore-eda va présenter par petites touches cette famille atypique dont on ne saisit pas immédiatement la nature. Progressivement, chacun de ses membres va se dévoiler, s’identifier à travers son quotidien et sa relation aux autres, jusqu’à ce qu’on comprenne enfin comment cette famille de substitution s’est constituée. La précision et la douceur avec laquelle le réalisateur japonais filme ses acteurs et ainsi construit des personnages d’une passionnante complexité est fascinante. En dépit de ce qu’ils peuvent cacher, de leurs arrangements avec la morale, jamais ils ne sont jugés, jamais Kore-eda n’impose un point de vue. Cette bienveillance ne nie cependant jamais la réalité, elle lui permet au contraire d’évoquer la situation sociale de son pays, sans avoir à l’aborder frontalement. L’individualisme, la surconsommation, la misère affective et sexuelle des japonais est induite et se révèle au travers de ses protagonistes.
Mais surtout, Kore-eda questionne les liens du sang, interroge sur ce qui définit la famille et le statut de parents. Sans donner de réponses, mais en proposant une illustration d’une grande simplicité qui n’exclut pas une grande force évocatrice. Et beaucoup de cœur. Des sujets qu’il avait déjà magnifiquement traités dans Tel père, tel fils ou Nobody knows, avec le même sens du détail et de la minutie, se soustrayant à tout effet démonstratif. Des récits d’autant plus bouleversants qu’il les bâtit petit à petit, l’émotion gagnant en puissance au fur et à mesure que le puzzle narratif se met en place. Il signe donc avec Une Affaire de famille un nouveau chef-d’œuvre de l’intime, puissant et pudique, dont la pureté de la mise en scène justifie à elle seule sa Palme d’or.