En offrant à Gena Rowlands un de ses meilleurs rôles (hors de ses collaborations magiques avec son réalisateur de mari) Woody Allen sort d'une période noire et en profite pour sortir du creux de la vague. Il dresse un portrait de femme très bergmanien dans le fond et dans la forme qui est très maîtrisée. Il ne se joue plus comique juif new-yorkais et n'a aucun rôle pour son personnage dans ce film. Un professeur, au crépuscule de sa vie (carrière) fait une balance de sa vie. Entre ses réussites professionnels, ce qu'elle découvre comme échecs personnels, l'écrivain respectée qu'elle est, Marion voit sa vie bouleversée par des révélations inattendues. Afin de terminer son dernier ouvrage, elle loue un "petit" appartement en ville pour y trouver calme et tranquillité et ne pas être dérangée par les obligations quotidiennes. Or, il se trouve qu'elle voisine avec le cabinet d'un psychothérapeute et que les consultations lui parviennent par les bouches d'aération communes aux deux logements. La detresse extrême d'une des patiente du médecin (Mia Farrow) va amener Marion à réévaluer son existence, ses relations à autrui, son mariage... jusqu'à provoquer un séisme destructeur dans sa vie qu'elle croyait bien ordonnée. Ses choix (l'amant dévoué mais sacrifié, interprété par Gene Hackman, le mari distant, (Ian Holm) les amis oubliés ou trop présents, le frère méprisé...) Face à certaines révélations, elle devra composer avec la personne qu'elle est réellement, celle qu'elle croit être et celle que ses proches fantasment. La fille de son mari (Martha Plympton) qui sert à masquer ses regrets de refus de maternité lui offre un peu de lumière et une perspective d'espoir d'être à cinquante ans passés enfin une autre femme.
Vibrant hommage aux Fraises sauvages, Allen nous offre une de ses œuvres les plus maîtrisées et les plus abouties.