Bien déterminé à créer un cinéma comique démonstratif, posé et jamais beauf, Gérard Jugnot, ambassadeur de la comédie française brute, pousse ses limites avec un film au combien bouleversant.
On connaissait Jugnot pour son sens de l'humour franchouillard, toujours direct, surtout dans ces films en tant qu'acteur. On n'aurait jamais cru le voir aux commandes d'un film à l'écriture brillante et aussi fine. Dans "une époque formidable", tout y est: des personnages de tous les jours présentés comme tel, grâce à des dialogues justes, et jamais exagérés, la poésie étant réservé à un seul personnage. Puis après une demi-heure, on rentre dans le film sans s'en rendre compte, en s'attachant aux protagonistes, aussi proches du quotidien, comme si Jugnot voulait nous emmener faire une ballade dans les rues, mais sans jamais forcer les traits. Effectivement, avec le recul, on pourra pester contre un énième film gauchiste sur les malheurs des sans-abris. Mais à aucun moment du film, on ne ressent ce désir de dénoncer et critiquer la société face au chômage et à ses conséquences. Au choix du spectateur d'y voir une simple comédie ou une peinture des défauts d'une société de consommation dirigée par des incapables. A ceux qui aurait tranché passeront un bon moment mais manqueront un film touchant, brillant, sans artifices racoleurs et au scénario de génie qui arrivera à la fin à nous tirer quelques larmes, grâce aussi aux performances d'acteurs.
La direction d'acteur est excellente, elle est toujours juste même dans les plus petits seconds rôles. A noter la musique de Francis Cabrel, seule BO de sa carrière et qui réussit à donner un plus au ton du film.
Il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour détester voire ignorer une oeuvre aussi poignante. Jugnot essaya de réitérer un film de la même trempe avec par exemple Casque Bleu mais n'arrivera jamais à retrouver autant de maîtrise.