J'ai hésité entre deux titres : "la chute" ou "le monde parallèle".
Le film évoque la chute d'un homme qui perd son emploi, tente de se maintenir aux yeux de son épouse et de ses enfants dans une réalité factice puis sombre dans un monde qui vit autrement, de petites rapines, de la charité publique, sans domicile fixe. Le monde des déclassés ou des déshérités.
Finalement, j'ai retenu la chute car, en définitive, c'est le point le plus important et le mieux traité. Il est question dans le film de plusieurs sortes de chutes dans ce film.
Il y a la chute au travail : elle peut être due aux conditions économiques mais aussi à l'adroit croche-pied d'un collègue "bienveillant". Elle est terrible car on parle de la chute dans sa propre estime. On a beau crier "je suis un killer", ça ne peut pas suffire. Ça ne pardonne pas lors des entretiens d'embauche car les recruteurs ont vite fait de déceler la faille.
Il y a la chute aux yeux des proches car en mentant dans l'attente de jours meilleurs qui n'arrivent pas, on perd la confiance de l'entourage et on entraine une réaction immédiate de rejet.
Il y a évidemment la chute due aux pertes de repères, à la baisse du niveau de vie, à la descente dans la rue. Elle n'est qu'une conséquence des deux premières chutes mais rend très difficile toute possibilité de remontée.
Il y a aussi la possibilité de chute du 40-ème étage, définitive, mais le film ne fait que l'évoquer.
Toutes ces façons de "chuter" sont bien traduites par Gérard Jugnot, de façon plutôt convaincante.
Là où je suis un peu moins convaincu c'est justement "le monde parallèle" tel que décrit. Je ne vais pas être affirmatif car je ne connais pas mais je crains que Gérard Jugnot ne fasse un peu dans l'angélisme. Rencontrer un "chef" de bande du style du "toubib" (Richard Bohringer) même avec tous ses défauts, capable de solidarité même intéressée face à un inconnu qui débarque, me semble hautement improbable. Je vois plutôt ce milieu comme complètement déstructuré, sans aucune notion de solidarité, chacun pour soi. Une jungle, quoi, où règne la loi du plus fort. C'est un peu oublier les risques importants, à mes yeux, de perte de dignité, de violence, de saleté, d'alcoolisme, de déchéance.
Bon, on voit bien où Jugnot veut en venir. Pour atteindre son objectif final, il ne faut quand même pas que le "nouveau SDF" tombe trop bas… Il faut lui donner une chance de pouvoir remonter.
Et je ne vais quand même pas, moi, reprocher à Gérard Jugnot d'avoir mis un peu d'humanisme dans le film ! D'ailleurs, je lui reconnais, entre autres, deux belles scènes, celle avec son beau-fils et celle à l'aéroport à la fin avec la valise qui s'ouvre inopinément laissant échapper une pomme qui descend (encore une chute) l'escalier …
D'un point de vue purement cinématographique, le casting du film est assez remarquable car les rôles principaux (Jugnot et Bohringer) sont bien équilibrés avec les seconds rôles de talent comme Victoria Abril l'épouse), Tiki Holgado (Crayon), Roland Blanche (le marchand de sommeil), Zabou (la journaliste écœurante), …
Pour conclure, je n'apprécie habituellement que très modérément les comédies (débridées) de Jugnot (genre "Pinot simple flic", "casque bleu" ou encore "scout toujours"). Rendons lui justice ici, il attaque un sujet difficile, dramatique et s'en sort plutôt bien.