Changement de registre pour Gérard Jugnot qui, en 1991 et après le bide de Sans peur et sans reproche, se penche sur un drame social poignant au sujet d'un cadre qui se retrouve à la rue du jour au lendemain. Le monde underground des SDF avait déjà été approché dans Marche à l'ombre ou encore Sans toit ni loi mais pas avec autant de justesse ni d'intimité. Avec Philippe Lopes-Curval, son futur fidèle collaborateur scénaristique, Jugnot délivre une triste réalité aux spectateurs français, eux qui encore à l'époque s'attendait à voir des frasques exubérantes de la part de l'ex-membre du Splendid.
En une poignée de scènes, Jugnot parvient à nous présenter sa galerie de personnages hauts en couleurs et cet univers précaire mais solidaire, composé de débrouillardise et de magouilles en tout genre. Bien moins comique que ses précédents films, Une époque formidable... regorge néanmoins de passages truculents, notamment grâce à un Ticky Holgado dans le rôle marquant de Crayon, le boiteux toulousain à l'inimitable franc-parler (« Est-ce qu'on t'a demandé si c'était propre sous ta jupe salope ?! »).
Aux côtés du serein Richard Bohringer et de l'imposant Chick Ortega, qui partageait déjà l'affiche de Delicatessen avec Holgado la même année, notre héros sans le sou (qui n'a pas de banque pour récupérer de l'argent ou d'amis chez qui loger en attendant) va apprendre l'amitié, la roublardise et la survie dans un Paris gris et sans pitié. Autour d'une mise en scène sobre mais bien rythmée, de séquences imaginatives et de rebondissements inattendus, Jugnot dévoile à la France son talent pour le genre dramatique avec la patte qu'on lui connait à travers un film poignant qui n'a pas pris une ride.
— Il s'appelle Mimosas.
— Comme les fleurs ?
— Non comme les œufs.
— C'est pareil.
— Dans une gamelle, ça m'étonnerait !