Premier des trois remakes du film de William Wellman, cette version signée George Cukor n'a longtemps été disponible que dans un montage passablement charcuté. Ce n'est qu'en 1983 que le film a retrouvé (ou presque) sa forme originelle, celle d'une épopée hollywoodienne embarquée dans les montagnes russes du rêve américain.
Je dis bien "ou presque" car beaucoup de plans ont été perdus et remplacés avec plus ou moins de bonheur par des photos de production, une astuce rustique mais essentielle pour un minimum de cohérence narrative. En contrepartie, le film a retrouvé deux scènes capitales criminellement éludées dans la version courte : la scène d'enregistrement qui aboutit sur la demande en mariage, puis le numéro musical "Lose that long face", bouleversant morceau feel good qui résonne de toute sa force après les confessions désespérées d'Esther à son producteur.
Le montage "définitif" se trouve donc scindé en deux parties égales se répondant comme le yin et le yang. A la poursuite de ses rêves, Esther devenue Vicki va goûter aux deux facettes du succès américain, passant de l'idylle au drame voire à la tragédie. Cukor donne ainsi à voir un instantané panoramique de la machine à rêves hollywoodienne, scintillante et glamour en surface, cynique et cruelle en son coeur.
Si cette version de 3 heures s'avère indispensable pour prendre toute la mesure du chef d'oeuvre qu'est A star is born, elle ne va pas sans quelques inconvénients, notamment dans la première partie, sympathique mais sans grand relief jusqu'à la scène de l'avant-première ("Born in a trunk"). Le montage prend son temps et semble systématiquement refuser d'accélérer la cadence. Heureusement le film de Cukor fait partie de ceux qui savent récompenser les spectateurs patients. Le deuxième acte, déchirant, achève de faire basculer A star is born dans une autre dimension avec des morceaux de bravoure inoubliables ("Someone at last"). Le duo Vicki Lester / Norman Maine entre alors dans la légende des couples maudits du cinéma.
Comment trouver les mots pour décrire la performance de Judy Garland ? Certes cela m'a fait un choc de la découvrir avec 15 ans de plus qu'à l'époque du Magicien d'Oz. J'ai même eu du mal au début avec ce côté cruche que je trouvais pourtant adorable dans le film qui l'a révélée, voire avec sa voix pas toujours agréable quand elle force trop. Mais il ne lui faut pas longtemps pour tout emporter sur son passage. Fiévreuse, lumineuse, elle livre ses tripes et confirme qu'elle restera à jamais, plus qu'une grande actrice, une grande artiste. A ses côtés, James Mason trouve toute la justesse nécessaire pour incarner cette vedette sur le déclin, attachante malgré ses faiblesses.
Une chose est sûre, Bradley Cooper a du pain sur la planche s'il espère atteindre les mêmes sommets, lui qui s'est lancé dans un quatrième (!) remake avec Lady Gaga dans le rôle-titre.