Hollywood, 1954.
Et bien le moins que l’on puisse dire est que le premier remake de ‘’A Star is Born’’, et bien ce n’est pas ouf ouf. Se contentant de reprendre les scènes de l'original sans inventivité, pour les rallonger par des séquences musicales un peu interminables. Débarrassé de l'aspect second degrés qui permettait d'offrir une vision décalée d'Hollywood, cette version se résume à un portrait consensuel de l’industrie, par l’étalage d’un entre-soi assez pathétique.
Arrivant au début du déclin hollywoodien, le film répond ainsi à des codes dépassés, à l’instar de nombreuses productions de la période. Ce qui en fait une œuvre dans l’air du temps. N'ayant pas vu que les standards avaient évolués, ce "A Star is Born" en est des plus symptomatique. De l'aveu même de sa star James Mason (et ça c’est triste), le film est inférieur à l'original. Ne trouvant jamais réellement son identité propre, et alourdi par des séquences musicales pas spécialement exceptionnelles, présentes uniquement pour rappeler à quel point l'organe de Judy Garland est unique. On capitalise sur la star !
Pour le reste, le récit se résume à une accumulation de clichés convenus, empilés les uns sur les autres, et par moment, entre deux séquences musicales, se souvient qu'il y a une histoire à raconter. Du coup ça donne à l’ensemble une cohésion brouillonne et tristement téléphonée. De plus cette chronique se base sur la version restaurée, sortie en 1983, par des archéologues du cinéma qui à défaut d'avoir retrouvés les vidéos des séquences coupées en 1954, les ont remplacés par des photos. Un procédé plutôt limité qui fait complètement sortir du film, et rend sa lecture d’autant plus difficile. Pas vraiment une bonne idée à mon humble goût…
D’autant que rien ne vient vraiment justifier la durée épique de 3h, si ce n’est une volonté de présenter le métrage comme une grande fresque romantique à la ‘’Gone With the Wind’’ en 1939, produit également par David O. Selznick, et dont le tournage fût commencé par George Cukor, réalisateur de ce remake. Tout est ainsi mit en œuvre pour lui donner un souffle épique, mais jamais il ne parvient à transcender son histoire de base, tout au contraire.
La puissance émotionnelle et l'intensité dramatique de la version de 1937 fonctionnaient car Esther était une provinciale touchante et sympathique, venant d'un milieu populaire pour tenter crânement sa chance à Hollywood. Mais avec la version de 1954 elle devient une talentueuse chanteuse de music-hall. Arrogante et carriériste, elle n'a aucune raison logique de mettre sa carrière musicale à succès en péril pour se lancer sans assurance dans une carrière d'actrice… C'est insensé.
Beaucoup trop long, boursouflé de tous les côtés à trop vouloir se donner les airs d'une fresque grandiose qu'il n'est pas, ‘’A Star is Born’’ se rêve en 1954 en grand film de l'âge d'or, alors qu’il n’est qu’une production déjà datée. A l’heure où de nouveaux cinéastes, ayant des choses à proposer arrivent, bousculant le système des studios, qui se casse inexorablement la gueule. Anachronique, le film se contente de recopier, tombant de fait dans le piège du remake vide de sens qui peine à raconter une histoire digne de susciter l’intérêt du spectateur. Baignant sans arrêt dans l'ombre de son illustre prédécesseur, ces 3h un peu vaines raviront peut-être les aficionados hardcore de musical made in fifties, mais en tant que grand drame épique, ça vaut tripette.
Témoin d'une certaine insouciance liée à l'époque, le métrage n'atteint jamais le niveau du drame social présent dans la version de 1937, et sa parabole avec la Grande Dépression, qui venait redonner un peu de chaleur dans la grisaille quotidienne d'une population livrée à la Crise. Avec une pointe de cynisme, et un ton gentiment moqueur envers une industrie du rêve somme toute un peu futile. En 1954 il n'en reste rien, au point que la relation entre Esther et Norman se résume à une simple amourette téléphonée, classique et sans surprise, où tout est attendu, puisque le film est véritablement un décalque sans âme, rejouant sans génie la partition du has been et de la star montante. Sans faire preuve d’aucune audace ni d’un culot qui aurait sûrement été salvateur.
Juste fadasse et sans surprises, du fait de la mièvrerie du Hollywood aveugle des années 1950, refusant de voir la réalité en face et poursuivant inlassablement un modèle arrivé à expiration, sans jamais le remettre en question, ‘’A Star is Born’’ made in 1954 témoigne du mal qui allait perdurer jusqu'à la fin des années 1960. Période à laquelle prenait progressivement naissance en parallèle un nouveau genre de cinéma, à qui il serait donné une chance d'exister à l'orée des seventies, avec l’avènement du Nouvel Hollywood.
-Stork._