Pour mémoire :
Japon, fin de la guerre. Tokiko attend son mari. Un policier vient de passer chez les gens qui l'hébergent (sa famille?), vient s'informer de sa situation, son mari, non, n'est pas toujours pas revenu et elle a bien a un petit garçon.. D'ailleurs elle est partie pour chercher un peu d'argent, essayer de faire vendre ses vieux kimonos pour se nourrir, elle et son petit garçon, Hiroshi..
Son amie connaît une femme qui peut les lui acheter, mais pour pas grand chose. Si elle veut de l'argent, il y aurait bien une autre possibilité.. Il n'en est pas question. Mais voilà qu'Hiroshi sur le chemin du retour se sent très mal. Il faut l'hospitaliser et trouver de l'argent.. [L'enfant malade qu'il faut hospitaliser d'urgence et pour qui il faut trouver de l'argent en catastrophe - c'est l'expression juste en l'occurence : événement narratif qui existe déjà dans Chœur de Tokyo (et peut-être un autre qui m'échappe pour l'instant)]
Les lieux vides (ces fameux plans vide d'Ozu) résonnent du passage, ils se remplissent de la misère de Tokiko et de la compassion du spectateur (ou l'invitent). Escaliers, rues poussièreuses, réceptacles de la fusion entre Tokiko et spectateur. Gros plans de son visage qui y apparaissent presque en écho visuel.
Retour du mari. Au lieu de la libération escomptée, c'est le poids de la faute commise (pour sauver la vie de l'enfant). La libération va se faire lentement et par tiers interposés (la prostituée va aider le mari à cheminer à rebours sur le "chemin de croix" parcourue par sa femme pendant et depuis la fin de la guerre). Regards des uns sur les autres dont l'émotion s'accumule au fur et à mesure et se referme comme le cercle en construction de la centrale (?) qui domine le faubourg de bois où vivent Tokiko, son mari et son fils.
Sentiments sans aucune sentimentalité (film à revoir pour préciser exactement où se trouve cette limite).
Scène entre le mari et son patron: chaises vides, bruit de fond d'une musique de danse, ombres dansantes derrière vitres semi-opaques, puis seulement alors leur discussion, mais prise à la fin, on devine aisément ce qui en précède la conclusion. Grandeur de la simple écoute, de l'échange.
Scène entre le mari et la jeune prostituée contrepointée par les bruits des enfants à l'école. Attitudes parfaites répondant à celles des infirmières regardant par la fenêtre Tokiko et son fils partir de l'hôpital = ici guérison par la parole d'un tiers. Continuation au bord du fleuve. Partage du "gâteau de riz" (?), de la nourriture. Grandeur de la simple écoute encore.
Chutes de la canette de bière, bruyante, lui. Chute du ballon de plage, sans bruit, elle. Puis, préparée par les deux précédentes, comme leur addition terrible, troisième chute dans l'escalier. Chute préparée mais inattendue (on se rend compte après coup qu'elle était là, menaçante).
Épure dramatique, effacer le dramatique pour le quotidien (qui se suffit en puissance de cinéma); effacer le quotidien pour le dramatique. Cohabitation des mouvements contraires, tension de l'écriture. Trouver le point d'articulation chez Ozu.
En ne montrant que les effets postérieurs de la guerre, "une poule dans le vent" nous donne l'image la plus saisissante (et honnête) de la souffrance terrible de cette femme et du pays dans lequel elle vit. Celle que chacun peut imaginer sur son visage. Kinuyo Tanaka au-delà de son immense talent d'actrice, femme japonaise.