Après son innovant "A bout de souffle" dans le registre du cinéma policier, Godard revisite la comédie de moeurs (et musicale, à considérer l'abondance de la bande sonore). Sur le prétexte d'un couple en crise (Anna Karina demande en vain un enfant à Jean-Claude Brialy), Godard explore la relation homme-femme autant que la place de la femme dans la société. A sa façon, c'est-à-dire sur un mode de fantaisie débridée, de digressions originales et de textes saugrenus. Sa mise en scène, qui se joue des codes habituels et des conventions avec ses faux raccords, son découpage et son montage approximatifs, anarchiques, ses incrustes, introduit une dialectique pour le moins déconcertante.
Même si l'histoire d'Angéla et Emile Récamier -dont la nature et la fantaisie ne sont pas sans rappeler les jeunes couples charmants de Jacques Becker ("Edouard et Caroline", "Antoine et Antoinette")- n'a qu'un intérêt relatif, on est sensible à l'inventivité et à l'espièglerie de Godard. D'autant qu'en dépit d'intention spas toujours faciles à décrypter, "Une femme est une femme" n'est pas encore ce cinéma intellectuel et obscur que sera le cinéma de Godard après les années 60.
Coincée entre "A bout de souffle" et "Pierrot le fou", cette collaboration entre Belmondo, dans le rôle d'Alfred Lubitsch (!), et Godard n'est pas la plus connue, au point qu'on a tendance à l'oublier.