Une tendresse et une surprise sublime.
Un film captant avec bienveillance le mépris de classe, la liberté d'être femme, le corps, les contradictions, les envies et les difficultés à savoir qui l'on veut être.
C'est l'été du seizième anniversaire de Naïma. La jeune femme vit à Cannes, dans le sud de la France. Pour certains cette ville n'est qu'un séjour de vacances, pour elle c'est la maison. Elle passe de bons moments avec son meilleur ami Dodo. Mais alors que l'été pointe le bout de son nez sa cousine Sofia surgit comme un rêve, pour le passer en sa compagnie.
Alors que Naïma est une adolescente de 16 ans qui peine à savoir ce qu'elle fera à la rentrée, soucieuse du regard des autres, avec du répondant, un peu bagarreuse dans sa diction
"D'où ils nous traitent de clocharde et toi tu dis rien ?"
sa cousine est entièrement son opposé. Dans une féminité érotique, Sofia, campée par une Zahia Dehar sublime, hypnotique, douce, totalement charmante, se fout complètement que deux garçons sur la plage la traite de pute.
Un je m'enfoutisme qui signe une liberté qu'elle exhibe tout le long de l'histoire. Elle vit à Paris, on ne sait pas trop ce qu'elle y fait.
L'intrigue se déroule alors que Dodo semble tanner Naïma pour passer une audition avec lui une après-midi à 14h30. Il lui en parle depuis le début de l'été. Tandis que Sofia vit des vacances où elle sort avec sa petite cousine. Une nuit, elles font la rencontre d'André et Philippe deux hommes ayant un bateau.
Une scène poétique les avait déjà introduit, montrant André jouant de la guitare et Philippe gêné que des jeunes puissent les voir dîner sur le bateau, leur montrer une richesse qu'ils n'ont peut-être pas, il trouve sa violent. Selon André,
"Les jeunes nous regardent car ça fait partie de leur plaisir. Le
plaisir de leurs vacances... Ou peut-être du nôtre aussi. Le principe
du luxe, le vrai c'est d'avoir connu l'inverse. Ca va ensemble. Donc
il faut avoir été un peu pauvre ou l'avoir été pour être vraiment
riche. Et inversement pour supporter la pauvreté, il faut savoir que
la richesse elle existe. Qu'autre chose existe...
Sofia et Naïma rencontrent ses deux hommes dans une soirée (boîte de nuit) elles vont passer un moment sur le bateau. Philippe (Benoît Magimel) est mal à l'aise et Naïma aussi.
"C'est les vacances on va quand même pas parler de travail"
Répond-elle quand Dodo énervé par Sofia quand elle fait son jeu de séduction sur le bateau. Des amis de Dodo attendent de l'autre côté, sur la rive et crient appellent l'homme au service d'André et de Philippe demandent aux deux adolescents Dodo et Naïma s'ils les connaissent "des connaissances". Dodo s'en va énervé sur Naïma et sur le comportement de Sofia, laissant les deux jeunes femmes passer le reste de la nuit avec les deux inconnus. Si le personnel de bateau marmonne et semble avoir une idée déjà toute faites sur les deux femmes, Naïma nous fait ressentir ce sentiment tout le long : elle ne se sent pas à sa place. Alors que Sofia arrive à merveille à faire comme si tout était normal. Un conseil qu'elle avait donné à sa petite cousine "il faut provoquer les choses pour les avoir". Naïma s'endort dans le salon du bateau, elle est réveillée par des bruits. Sofia et André font l'amour, elle entrevoit une partie de la scène dans une porte entrouverte. Sofia la voit, mais ne semble ni gênée ni vouloir se cacher et c'est assez révélateur de sa transparence. Alors que tout le long, on sait, mais rien n'est dit.
Le lendemain, elle offre un sac Chanel à Naïma.
Ce long-métrage décrit avec perfection le mépris de classe, quand on a l'impression que l'ascenseur social est en panne. La mère de Naïma est femme de ménage dans un hôtel, elle demande à sa fille quand est-ce qu'elle fera son stage en cuisine à l'hôtel, la jeune fille est douée pour cuisiner. Elle voit monter sa mère dans l'ascenseur, des essuies pliés en main, elle prend l'ascenseur mais pour travailler pour ceux qui l'utilisent sans difficulté.
Raconter tout ce film, et donc spoiler cette oeuvre qui est selon moi à voir, serait triste.
Mais la seule chose à rajouter est que je n'avais jamais vu dépeint au cinéma aussi justement le mépris de classe. Face aux réflexions pédantes d'une amie d'André et Philippe, Sofia répond calmement, avec douceur, et remet à sa place cette femme, qu'on sait riche, Calypso. C'est en ça que ça marche, le monde veut faire ressentir à Sofia qu'elle n'est pas à sa place mais rien ne l'atteint, elle, elle se sent à sa place.
Le rôle de Philippe et tendre et paternelle, il arrive à avoir une bienveillance et une gentillesse à l'égare de Naïma, alors que même le personnel de son bateau la méprise.
"Tu habites Cannes et tu n'as jamais fait du bateau ?"
Un mélange entre mélancolie et tristesse, où cet homme semble prendre totalement conscience des inégalités et est gêné par elles.
Bref, c'était long. Mais je dois avouer que je m'y attendais pas. J'ai lu certaines critiques sur le jeu de Zahia, et honnêtement, elle dégage pour moi quelque chose d'un personnage fictif, de ces actrices de la Nouvelle Vague (ET OUAIS J'ESPERE QUE VOUS AUREZ UNE CRISE CARDIAQUE LES PURISTES ELLE VAUT TOTALEMENT UNE BARDOT OU UNE ANNA KARINA) on a envie de l'écouter, de la comprendre, de la regarder. Je pourrais aussi citer une scène où un cuisinier demande à Naïma (magnifique Mina Farid) si elle va finir par travailler à l'hôtel et que ce même cuisinier la sert pour un dîner privé où elle et sa cousine sont invités par Philippe et André. Ce regard "tu t'es vendue".
En fait, on sent dans le regard de beaucoup "pute", "opportuniste", "croqueuse de diamant"
le regard des cuisiniers, du personnel, de la vendeuse du magasin de luxe
et pourtant quand on regarde ce film on voit la vérité : "liberté", "tendresse", "rêve","tristesse","envie".
J'ai été conquise.