Je m'appelle John Harrington. J'ai 30 ans et je suis paranoïaque. Paranoïaque... Quel mot charmant, civilisé, plein de possibilités. En fait, je suis complètement fou. Après m'avoir ennuyé au début, maintenant, cela m'amuse. Cela m'amuse même beaucoup. Personne ne me soupçonne d'être un dangereux assassin. Ni ma femme Mildred, ni les employés de mon atelier, ni bien sûr mes clients. Pauvre petite mouche... Pourquoi tant d'audace ? Tu es si fragile... Tu nais, tu te reproduis et tu meurs, tout comme l'homme. La différence, c'est que tu ne penses pas. Tu n'as pas de souvenirs. Tu ne crains pas la mort car tu es ignorante. Ton insignifiante vie n'est qu'un accident biologique. Mais la mort existe, je t'en assure. C'est ce qui fait de la vie un petit drame si ridicule. Mais le fait demeure que j'ai tué 5 jeunes femmes. J'en ai enterré 3 dans la serre. Carol... Mary... Margaret... Les plus amicales, les plus séduisantes... Le seul problème, c'est que je dois continuer à manier le hachoir. C'est ennuyeux, mais quand j'entends ces pas... ces pas furtifs... je sais que je dois tuer. Et je devrai continuer à tuer jusqu'à ce que je sache la vérité.
Une hache pour la lune de miel est une oeuvre signée par le maestro italien Mario Bava, qui présente ici son film ayant eu la sortie cinéma la plus discrète de sa filmographie, une bizarrerie dans le genre horrifique, clairement pas le must dans le domaine, mais suffisamment intrigant et original dans sa composante pour le rendre intéressant et divertissant. Bizarrement considéré comme un giallo alors que pourtant rien ne le rattache vraiment à ce genre. L'intrigue policière est presque inexistante, il n'y a pas de mystérieux meurtrier à découvrir de la part du spectateur, ce n'est pas particulièrement violent, ni sanglant à travers l'image et il n'y a pas de scène de nudité ou de sexe gratuit. En bref tout ce qui définit le genre giallo est absent.
Mario Bava dresse avec son récit le portrait d'un tueur en série, ne fixant nullement son intrigue autour de la découverte de l'identité de celui-ci dans un jeu de piste comme il en a l'habitude à travers ses autres réalisations. Dès les premières minutes du film, on connaît l'identité de l'assassin. Le cinéaste ce centre avant tout sur la psyché de son meurtrier essayant de trouver une justification au mal profond l'amenant à massacrer de jeunes femmes sans défenses le soir de leur lune de miel et vêtu d'une robe de marier. Qu'est-ce qui peut bien se passer dans l'esprit d'un fou déséquilibré ? Tel est le raisonnement ainsi que les motivations du film de Bava, qui n'hésite pas à plonger le spectateur dans le traumatisme d'enfance d'un sadique en proie à ses pulsions. Une approche pour l'époque improbable, inattendu et clairement original. Une manière de procéder étrange et tortueux, faisant du psychopathe le personnage principal du film.
John Harrington héritier d'une maison de couture spécialisé dans la création de robes de mariée, à tout du parfait gentleman équilibré. Bel homme au regard transperçant, fringuant comme pas deux, charmeur au vocabulaire soigné, riche et prospère, en bref le genre d'homme idéal. Si ce n'est que les apparences sont trompeuses, car John Harrington est un tueur en série qui aime massacrer de jeunes belles futures mariées avec un hachoir et non une hache comme le sous-entend le titre. Harrington est torturé par le souvenir du meurtre de sa mère, qui fut assassinée en robe de marier alors qu'il n'était encore qu'un gamin. Le fait de tuer par pulsion des futures mariées lui procure une transe le renvoyant à ses souvenirs oubliés lors de flashbacks plutôt bien réussis durant lesquels il parvient à revivre cette nuit tragique, espérant ainsi réussir à se souvenir de l'identité de l'assassin de sa mère. Une approche particulièrement intelligente de la part du cinéaste, qui atteint sur ce point le sans-faute, allant jusqu'à particulièrement bien réussir le repère caché du meurtrier, avec une salle remplie de mannequins en plastique féminins vêtus de robes de mariée. Cette pièce amène une atmosphère anxiogène, traduisant le mal profond d'Harrington qui apparemment aime s'adonner à des plaisirs sexuels avec ses mannequins. Le comédien Stephen Forsyth est excellent dans le rôle d'Harrington le serial killer. Sa performance est remarquable, habillé en robe de marier avec du rouge à lèvres étalé grossièrement sur sa bouche, je reconnais qu'il m'a filé le frisson.
Le long-métrage n'est pas particulièrement effrayant ni sanglant, les meurtres sont bien présents, mais la caméra ne s'appuie jamais sur les instants les plus graves, ce qui déplaira certainement. Le graphique ne fait pas la part belle à la violence. Une composante faisant des futurs rebondissements et autres mystères et tensions à venir vraiment primordial afin de compenser se manque, chose que le film fait malheureusement très mal. Ce qui a pour effet de rendre le rythme molasse et nonchalant. Une hache pour la lune de miel est un film décidément étrange, étant à la fois parfaitement accessible pour sa violence limitée dans son image, et presque inaccessible durant les phases de transition laissant les divagations tordues et effrayantes de l'esprit d'Harrington pour des scènes apathique, amorphe et indolent, ce qui est fortement regrettable. Cela en fait une véritable curiosité, autant dans son histoire, que dans sa réalisation.
Graphiquement s'est superbement illustré, en raison de son style visuel agréable et divertissant, qui parvient à compenser certains points faibles de par une mise en scène élégante offrant un travail de caméra intelligent, fluide, gothique et coloré d'une séquence à l'autre. Les différents décors se prêtent bien au jeu, sachant que l'action se passe à Paris, du moins dans le film car le tournage lui n'est pas dans le secteur parisien, mais majoritairement en Espagne. La composition musicale de Sante Maria Romitelli me pose de gros problèmes, je la trouve totalement inadaptée avec le spectacle fourni. Sincèrement si on ignore de quel genre cinématographique il s'agit, il est impossible de deviner qu'il s'agit d'une partition pour un film d'horreur, j'opterais plutôt pour celle d'une histoire d'amour à l'eau de rose. Un choix de musique problématique qui plombe plus d'une fois l'ambiance du récit. Je retiens une seule piste fonctionnant approximativement, le reste à la poubelle. Je ne comprends pas comment Mario Bava a pu valider cette composition pour son film. Il est évident qu'avec une partition adaptée on aurait pu avoir de grand moment de tension.
Je finirais sur le choix une fois encore "étrange" de la part de Mario Bava d'inclure du fantastique via l'esprit de Mildred Harrington qui vient tout du long hanté John Harrington. Si dans l'intrigue Mildred est présentée comme un véritable esprit pouvant apparaître aux yeux de tous, je reste convaincu qu'elle n'est en rien un fantôme, mais les divagations tordues de John Harrington qui s'imagine que les autres aussi (en plus de lui) peuvent la voir. C'est lui qui a dû demander à la servante de servir le café pour sa femme morte, ainsi que le verre de sherry dans la boîte de nuit. Cela expliquerait également pourquoi la femme à laquelle il propose un plan à trois le traite aussitôt de : "pervers !" À mon avis, Mildred représentait pour John ce qui se rapprochait le plus d'une figure maternelle, cette figure qui lui faisait tant défaut et qui est à l'origine de son alliénation. Cela expliquerait qu'il est eu des remords à l'avoir tué. Une culpabilité refoulée qui prendra la forme d'un esprit vengeur, sachant qu'il est de ses propres mots : "paranoïaque".
Mildred Harrington est incarné avec succès par la surprenante et renommé Laura Betti qui estimera tout du long de sa carrière que Mario Bava est un grand réalisateur qui aura influencé son temps, et pas qu'un cinéaste de série B; le temps lui aura donné raison. Je salue d'ailleurs les deux petites performances des comédiennes secondaires Dagmar Lassander et Femi Benussi.
CONCLUSION :
Une hache pour la lune de miel est une oeuvre bizarre signée Mario Bava qui présente un film d'horreur au petit budget qui sort clairement des sentiers battus de par son évidente originalité. Une originalité perceptible dans la construction du récit, l'incarnation magistrale de Stephen Forsyth, ainsi que dans sa superbe mise en scène. Malheureusement le rythme nonchalant et amorphe dans les péripéties et autres mystères associés à une composition musicale assez catastrophique rend le film un peu instable. Heureusement le spectacle horrifique de Bava reste suffisamment de qualité pour passer un bon moment, et puis au risque de me répéter, Stephen Forsyth dans le rôle de John Harrington le psychopathe est brillant, sachant que ce sera son dernier rôle dans sa courte carrière d'acteur. Une dissociation du réel et de l'imaginaire intelligemment mis en scène avec un Mario Bava qui se livre beaucoup, avec son amour indéniable pour le mannequin de marbre.
Une pièce de choix dans le registre "tueur en série".