Voilà un film difficile à regarder et à apprécier plus de soixante ans après sa sortie. Sûrement parce qu’il est profondément étrange, assurément parce qu’il est ancré dans son époque, et parce qu’il est un nouveau patient zéro dans la filmographie de Mario Bava. Des psychopathes, le cinéma en avait déjà donnés avant, Norman Bates en tête, mais jamais en utilisant ce procédé formel. Le film s’ouvre en effet sur un crime puis sur une voix off du tueur qui explique qu’il est un fou dangereux. Comme toujours chez Mario bava, la suite est une grande orgie sensorielle, à grands renforts de plans audacieux (les personnages filmés sur le reflet de miroirs ou du fameux hachoir de l’assassin), de musiques pop et de visions mélangeant le rêve et la réalité.
Tant et si bien que ce film s’apparente à un des plus oniriques de son réalisateur avec ses effets de manche à tous les carrefours. Mais, bien évidemment, des décennies après, cette réalisation pour le moins baroque peut passer pour un grand moment de kitsch absolu. Avec sa musique qui semble hors-sujet, sa réalisation volontairement très tape-à-l’œil, son récit alambiqué et sa lenteur générale, le film devient rapidement un objet étrange. Très théâtral, d’une part, quand le récit ne s’intéresse qu’aux diverses victimes et à une enquête menée par un inspecteur tout droit sorti d’un mauvais feuilleton, très baroque quand il s’intéresse à la psyché de son personnage principal, l’ensemble fait se côtoyer deux univers hermétiques l’un à l’autre. Il en ressort une impression d’étrangeté tantôt envoûtante, tantôt désarmante. Et on finit par se demander, à plusieurs reprises, si ce film est un navet fini ou une œuvre d’une remarquable poésie.
Assurément, ce film est déstabilisant et on peut comprendre qu’il compte autant de détracteurs que de partisans. Pour ma part, je n’ai eu de cesse de faire des allers-retours entre une certaine fascination et un agacement évident. C’est, en tout cas, une contribution intéressante aux portraits de serial-killer au cinéma. Par certains thèmes, il annonce le beaucoup plus glauque Maniac de William Lustig avec ce rapport ambigu à la mère, les mannequins en plastique et cette impossibilité à comprendre la propre folie qui anime le personnage principal. Mais au réalisme morbide de William Lustig, Mario Bava préfère cette poésie si singulière qui est intéressante, malgré tout, à découvrir.
5,5