Adieu Jouvet

Le dernier rôle au cinéma de Louis Jouvet, qui décèdera quelques jours après la fin du tournage, restera celui d'un flic désabusé mais humain, rappelant un peu celui qu'il tenait dans "Quai des orfèvres".

Notre héros enquête sur le suicide présumé d'un couple de jeunes gens issus de classes sociales opposées, interrogeant tour à tour le père chômeur et misérable du jeune homme, puis la famille bourgeoise à la mentalité étriquée de la demoiselle.
A l'aide de flashbacks successifs, le réalisateur Guy Lefranc reconstitue ainsi progressivement l'histoire de ces deux amants maudits.

Les comportements amoureux sont souvent l'élément qui vieillit le plus vite (et le plus mal), contribuant à ancrer un film dans son époque, parfois lourdement. Ici, nos deux Roméo et Juliette franchouillards apparaissent parfois bien nunuches (en particulier Daniel Gélin), et il faut tout le charme juvénile de Dany Robin pour faire passer la pilule.
En revanche, on partage avec une joie un peu nostalgique leurs escapades entre copains, à la fête foraine de Deauville ou dans les guinguettes de Nogent.

Par ailleurs, l'aspect sociologique du film ne manque pas d'intérêt, entre les soirées mondaines de la grande bourgeoisie parisienne, et le quotidien minable d'un soi-disant sculpteur, alcoolique et parasite. D'autant que le regard souvent sarcastique de Jouvet apporte une forme d'humour bienvenu...

"Une histoire d'amour" comporte également une (légère) dimension policière, puisque l'enquête doit démontrer s'il s'agit au final d'un meurtre ou d'un suicide. Mais cette facette de l'intrigue est vite reléguée au second plan.

A l'arrivée, un petit film modeste et sympathique, qui n'ajoutera rien à la gloire de Jouvet, mais se laisse regarder gentiment, en songeant que les mentalités ont quand même bien changé en plus d'un demi-siècle...