Donnons le pouvoir (artistique) aux dépressifs !
Quand on parle cinéma scandinave, on cite immédiatement Bergman, à juste titre, en omettant l'influence gigantesque qu'a pu avoir Roy Andersson sur les LVT, Vittenberg ou autre Susanne Bier.
En voyant ce premier film, datant de 69, on comprend immédiatement pourquoi le Dogme a pu voir le jour, pourquoi le cinéma de ces héritiers est empreint de cruauté, de violence, de radicalité.
Imaginer qu'un tel film ait pu surgir du cerveau et de la caméra d'un jeune homme de 26 ans parait tout simplement inconcevable, tant il semble découler d'une profonde maturité, à la fois psychologique et artistique. Comme quoi les pessimistes, et sans doute en l'état les dépressifs, ont en eux une lucidité bien à part.
Moins radical que son sublime film aux 46 plans séquence, "Chansons du deuxième étage" (1), ce premier film renferme malgré tout ce qui fera la minuscule filmographie du bonhomme (4 films en 40 ans) : une vision apocalyptique de l'être humain, ici l'innocence et la beauté des sentiments d'Annika et Pär ne servant que de miroir déformant à la médiocrité des adultes, une obsession du plan parfait et du naturalisme.
Certains films semblent touchés par la grâce, et celui-ci en fait clairement partie.
(1) http://www.senscritique.com/film/Chansons_du_deuxieme_etage/385990#