Il est vraiment dommage que le premier film de Roy Andersson soit resté invisible en France pendant près de 40 ans tant il est réussi et mérite la découverte. Pär et Annika sont deux jeunes adolescents de 15 et 13 ans qui vont vivre leur premier amour ensemble, perdu dans des univers familiaux composés d'adultes dépressifs. Le film ne raconte rien de plus mais le fait avec beaucoup de sensibilité et de justesse et parvient à nous rendre attachant ces deux gamins en apparence banal mais dont l'innocence et la sincérité tranche avec le reste des personnages, adultes comme enfants.

En effet, que ce soient les camarades des deux tourtereaux ou leurs parents, tous semblent baigner dans une morosité et une dépression latente. Les adultes pleurent, sont paumés, incapables de montrer un quelconque exemple à leurs enfants. D'autres crèvent de solitude jusqu'à confier leur détresse à des ados qui n'ont pourtant pas à supporter le poids de leur douleur. Les enfants ne sont pas mieux, réduits à tenter d'imiter ce qu'ils pensent être les comportements adultes, comme pour se substituer à ces adultes défaillants. Et au milieu de tout cela, Pär et Annika s'observent et hésitent à s'adresser la parole. Par intermédiaires différents, ils finissent par nouer connaissance et découvrent leurs premiers émois amoureux. Cette découverte ira jusqu'au moment où Pär invite Annika chez lui à la campagne et où la famille de la jeune fille viendra faire la connaissance de celle du garçon.

Scène de rencontre entre deux univers psychologiquement très violente où le contraste entre les deux milieux fait exploser les crispations et exacerbe les regrets des adultes, en particulier du père de Annika, qui met en scène sa propre disparition dans une scène brumeuse à la tonalité qui diffère du reste du film. C'est justement au regard de cet univers triste et sans intérêt que l'amour naissant entre les deux gamins est si touchante malgré son apparente simplicité parce qu'elle montre qu'ils veulent sortir de cette léthargie qui a contaminé leurs camarades. La mélancolie qui se lit sur le visage triste de Annika évoque d'ailleurs le personnage de Margot dans La Famille Tenenbaum de Wes Anderson qui, au delà de la ressemblance physique troublant avec Gwyneth Paltrow, pourrait être la version adulte d'Annika.
ValM
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le 26 nov. 2014

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