Encore une actrice qui se lance dans la mise en scène serait-on tenté de dire. Et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de la grande Sandrine Kiberlain, une comédienne tout terrain aussi à l’aise dans les drames que les comédies. Pour son premier film, elle a choisi de raconter à la fois une partie de l’histoire de sa famille en même temps que sa passion pour les planches. On y suit donc une jeune fille juive pleine de vie et folle de théâtre au sein de sa famille et au gré de ses émois amoureux en pleine Occupation dans la France de 1942. Une jeunesse sous épée de Damoclès donc. Et c’est peu dire que certains choix narratifs de l’actrice devenue réalisatrice sont, au choix, hasardeux, osés ou maladroits. Mais il y a aussi une vraie atmosphère et des instants de grâce qui traversent « Une jeune fille qui va bien ». Une œuvre qui coche pas mal de cases d’une première œuvre avec ses défauts et ses qualités qui donnent envie de connaître la suite.
Du côté des incongruités, on peut parler de la direction artistique et de la manière dont le contexte est représenté. La façon de parler des personnages, les costumes, les maquillages et coiffures aussi parfois, dénotent de ce que l’on a l’habitude de voir dans ce genre de films. Trop contemporains et inadaptés, c’est un choix quelque peu anachronique et qui amoindrit un peu la puissance dramatique de « Une jeune fille qui va bien ». Ensuite, de ne voir que des bribes de l’Occupation allemande (pas de soldats, peu d’antisémitisme, ...) empêche la peur et la tension pour cette famille et surtout cette jeune fille insouciante de s’immiscer en nous. Mais c’est un parti pris assumé puisque Kiberlain semble vouloir montrer l’innocence, la naïveté et la joie de cette adolescente pleine de vie. Enfin, les scènes de théâtre sont peu intéressantes, répétitives et bien trop longues tandis que le montage s’avère parfois approximatif.
Mais dans cet univers singulier autour d’un sujet si grave, Kiberlain marque aussi des points avec cette bande sonore tout aussi anachronique, faite de standards jazzy des années 70 ou de notes en total décalage. C’est peu commun mais cela fonctionne étonnement. Les scènes en famille sont les plus réussies et belles. Le quatuor composé d’Irène, de son frère, de son père et de sa marraine est touchant. André Marcon et surtout l’inconnue Françoise Widhof, une découverte, sont d’une justesse incontestable. Et que dire de Rebecca Marder dans le rôle-titre qui illumine le film de sa fraîcheur et de sa candeur tout à fait adaptée au rôle. Dès qu’on est dans cet appartement, on prend un plaisir à se retrouver dans une sorte de cocon aimant coupé du temps. Les errances amoureuses et le côté artistique sont bien moins rendus. Un film hésitant donc, imparfait même, et parfois ennuyant. En revanche, tout le monde se souviendra de cette scène finale, implacable, glaçante et d’une force de frappe incroyable.
Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.