Un très grand film vu il y a pas mal d'années dont je me souvenais qu'il posait question bien au-delà de l'histoire racontée.
D'ailleurs, l'histoire est tirée d'un roman dont le titre est "An american tragedy" bien plus signifiant que le titre américain "A place in the Sun" (dont je ne dirai rien – pour une fois - sur la traduction faite par nos distributeurs …). Je n'ai pas lu le roman mais son titre, à mon sens, dépasse le simple cas particulier évoqué dans le film.
Au départ, George, un jeune homme, parent pauvre d'une grande famille d'industriels qui règne sur une petite ville, se fait embaucher au bas de l'échelle sociale et finit par s'éprendre d'une ouvrière qui devient enceinte. Dans le même temps, lors d'une réception dans la famille, il est subjugué par une jeune fille de la haute société qui tombe amoureuse de lui. Ayant fait ses preuves à l'usine, il se met à entrevoir la possibilité d'accéder à un autre monde. L'histoire de l'ascenseur social, de la possibilité à chacun de pouvoir s'élever qui doit passer par une reconnaissance de facto. On a tous les ingrédients pour que l'histoire prenne dès lors une tournure dramatique inévitable.
Dans l'Amérique des années 50 (on pourrait aussi appliquer ceci à bien d'autres pays), la double vie, le mensonge se paient cash quand on est pris la main dans le sac. En d'autres termes, on ne change pas impunément de classe sociale si on n'a pas les biscuits nécessaires. Faute de quoi, on s'expose à être rejeté par tout le monde, ceux qu'on veut quitter et ceux qui pourraient vous accueillir.
Ce film est époustouflant quand on regarde les jeux des trois personnages principaux.
Montgomery Clift est particulièrement convaincant dans le rôle de George, ce parent pauvre, séduisant malgré lui et gauche dans son comportement notamment dans la famille hautaine et condescendante. Son premier contact avec la famille assise face à lui, l'observant et le jaugeant alors que lui n'en mène pas large donne la dimension du chemin à parcourir … Son personnage me fait penser à un de ses grands rôles ultérieurs dans "The Young Lions".
Shelley Winters joue le rôle de l'ouvrière qui accepte de sortir avec George. Alors qu'elle est quand même très mignonne, elle n'est pas spécialement mise en valeur dans le film rendant sa partie à la fois subtile et perdue d'avance. Son personnage est attachant et passionnant. En se remettant dans le contexte (puritain) des années 50 aux USA, on comprend très vite les enjeux auxquels elle est confrontée. Le risque, c'est le sort de Fantine …
Pour la bonne bouche, finissons par Liz Taylor dans le rôle de l'héritière qui tombe folle amoureuse de ce garçon séduisant et gauche, si différent des jeunes bourgeois qu'elle fréquente dans son milieu. Elle est sublime, bien évidemment. Son visage … On a envie de se noyer dans son regard.
Mais, de mon point de vue, Shelley Winters volerait presque la vedette à Montgomery Clift et Liz Taylor.
Pour conclure, je reviens sur ce que je disais au début lorsque je disais que ce film posait question au-delà de l'histoire racontée. Certes, le personnage de Montgomery Clift porte sa part de culpabilité, qu'il assume d'ailleurs. Mais on oublie un autre grand coupable qui est la société américaine elle-même, avec ses règles, son puritanisme. Nul doute, dans mon esprit en tous cas, que la non perméabilité des classes sociales, la société faussement égalitaire, l'absence de droits des femmes sont des causes largement aggravantes.