De la subjectivité du temps
Après avoir massacré Le Magasin des Suicides en 2012, Patrice Leconte revient à la prise de vue réelles avec l'adaptation d'une nouvelle de Stefan Zweig.
Une Promesse narre, avec la Première Guerre Mondiale en guise de toile de fond, l'ascension du jeune Friedrich Zeitz (Richard Madden) au sein de l'usine de sidérurgie de Karl Hoffmeister (Alan Rickman) dont il devient le secrétaire particulier. La santé de Herr Hoffmeister se dégradant, ce dernier se retrouve contraint de rester à domicile, confiant alors des responsabilités de plus en plus importantes à Friedrich, jusqu'à convier ce dernier à venir s'installer chez lui afin de poursuivre la direction de l'usine. C'est dans la demeure des Hoffmeister que Friedrich va s'éprendre pour la femme de son patron, Charlotte Hoffmeister (Rebecca Hall), une flamme qui va aussi naître chez la belle trentenaire sans pour autant être déclarée par qui que ce soit, étouffée par la présence de Herr Hoffmeister. C'est lorsqu'il sera envoyé au Mexique pour diriger une exploitation minière que les amants secrets vont finalement se révéler et se promettre de se retrouver au retour de la mission outre-Atlantique de Friedrich.
Crevons de suite l'abcès, Une Promesse est un (très) mauvais film du "fantastique" réalisateur des Bronzés, trilogie dont la grâce et la délicatesse ne sont plus à prouver ... Autant dire que mes suspicions à l'encontre d'Une Promesse, film romantique par définition, étaient aussi vivaces que justifiées.
Le découpage d'Une Promesse est essentiellement constitué de cadres très serrés, jusqu'à la claustrophobie, et ceux-ci ne sont tout simplement pas composés. La légende raconte que Stanley Kubrick s'est donné la mort afin de ne jamais voir ce film aux antipodes d'un Barry Lyndon dont la grandeur esthétique n'est plus à prouver. Et le pugilat visuel se poursuit avec des effets incessants de zooms/dézooms, qui sauraient trouver une justification dans un film comme Cloverfield, mais aussi avec des mouvements de caméra saccadés qui n'apportent strictement rien à la narration, si ce n'est à en faire sortir le spectateur qui ne peut que contempler l'étendue des dégâts, impuissant comme un septuagénaire. Le montage, bien trop rapide par rapport à son propos, élève Patrice Leconte au rang de Michael Bay du cinéma romantique.
Toutefois, même si Patrice Leconte a su trouver un cadreur atteint de la maladie de Parkinson et un directeur de la photographie aveugle, Une Promesse n'est pas seulement un ratage d'un point de vue visuel, bien que ce dernier ait une conséquence directe avec le reste de cette hécatombe cinématographique.
En effet, au-delà du voile grisâtre qui plombe l'image du film, le spectateur se retrouve transcendé par la capacité du réalisateur à enfermer ses personnages dans des cadres qui réduit leur jeu à leurs seules expressions de visage. La corporalité de l'acteur ainsi sacrifiée par une manière de filmer qui manque d'air, la passion naissante entre les deux jeunes protagonistes ne se fait pas ressentir. Une flamme ne peut subsister si elle est ainsi étouffée. De plus, cet amour bourgeonnant n'est pas crédible pour la simple et bonne raison que le charisme de Richard Madden semble être resté à Westeros ... La sublime Rebecca Hall ne peut y remédier, tout comme Alan Rickman qui n'avait décidément rien à faire dans un pareil ersatz de téléfilm ...
Lorsque la technique altère l'artistique qui est malade d'origine, cela vous donne Une Promesse, un mauvais film français avec des acteurs anglophones dans le rôle d'allemands du début du XXe siècle ...