Un petit groupe composé de femmes et d’hommes, écoute le récit d’un homme qui un jour, dans un petit café, a pris goût à l’observation de sexes féminins par le trou des toilettes.


Le film est découpé en deux parties distinctes, dans chacune d'elles, un homme raconte une histoire. Le récit est exactement le même, seuls les personnages diffèrent. Il établit ainsi littéralement cette forme majeure du cinéma contemporain que sera le «film coupé en deux». 


Cette histoire, racontée par un homme, n’est pas de l’ordre d’un vécu personnel ou particulier ; elle prétend tenir un discours général sur le rapport qu’ont les hommes avec les femmes dans les années 70. Comme l’avance le narrateur : «Quand je raconte une histoire personnelle c’est que je suis persuadé qu’elle ne l’est pas. Que donc tout le monde comprendra.» Ainsi, pendant près de 50 minutes, nous écoutons le récit parfaitement identique de deux hommes, qui racontent, à tour de rôle, comment à partir d’un petit trou, ils observaient le sexe des femmes. 


“Alors je regardais par le trou, puis je les voyais pas le sexe”


Dans un regard misogyne et pseudo-sociologique, ces deux hommes qui ne font qu’un, exposent les effets de cette expérience devenue une obsession : la constitution d’une hiérarchisation des sexes, et donc, des corps. C’est à partir de ce trou que se forme le regard, c’est un espace entre le sujet et l’objet regardé (le sexe féminin) qui façonne le regard selon les conditions d’un plaisir non sexuel - mais plutôt sensuel (selon les dires des hommes). Le trou devient donc le seul endroit depuis lequel les hommes apprécient regarder une femme. C'est-à-dire pour les voir plutôt que les avoir. Le plaisir est donc tiré dans l’observation plutôt que dans la possession. 


Mais ce qui semble le plus intéressant, d’un point de vue cinématographique, c’est le procédé de mise en scène ainsi que le découpage narratif : pourquoi dédoubler le récit ? Plus précisément, on peut se demander quel est l'intérêt de cette “répétition”, dans la mesure où si la seconde version est identique à la première en termes de contenu, que nous apprend-elle de plus ?  Autrement dit, quand la même histoire nous est racontée deux fois, on peut considérer que la seconde fois nous offre l’occasion de nous pencher, non pas sur le contenu de l’histoire, mais sur les détails imperceptibles de celle-ci. 


Véritable métaphore sur le cinéma, le second segment (joué par une équipe de professionnels) nous apparaît comme faux, comme une copie, au regard du premier segment (joué par Jean-Noël Picq lui-même), qui semble être le récit original, le vrai récit. Cette sorte d’imposture à laquelle nous assistons se fait à partir de la symbolique du trou : le narrateur lui-même raconte qu’il avait l’impression que tout avait été fabriqué à partir du trou, puis qu’on y avait ajouté la porte, les murs, les personnages, les assiettes etc…Ainsi, le trou fait office de métaphore du cinéma : le regard du spectateur (proche de celui d’un voyeur ?) regarde et écoute une histoire à la fois authentique et fabriquée.  


D’ailleurs, les sens que mobilisent le spectateur, l’ouïe et la vue, sont identiques aux sens désignés par Sade concernant l’activation du plaisir sensuel (évoqués dans le récit). Mais Jean Eustache se joue de cette idée, en refusant de représenter visuellement l’irreprésentable (c’est à dire le voyeur qui observe le sexe féminin) pour ne laisser que la partie auditive (l’homme qui raconte son histoire). Ainsi, tel que le salon est disposé, les personnages formant un rond autour d’une table, l’attention du spectateur se retrouve déplacée de l'œil à l’oreille.


8/10. 

sofion
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il y a 7 jours

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sofia ehrlacher

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