Une seconde mère est un beau portrait de femme, drôle et chaleureux, léger mais également éclairant sur la société brésilienne et ses inégalités sociales et géographiques.
Le film de Anna Muylaert stigmatise une certaine bourgeoisie bienpensante dont les aspirations humanistes volent en éclat lorsqu’un élément extérieur vient perturber leur quotidien. A l’opposé, Val, l’héroïne de l’histoire au service d’une même famille depuis des années, n’a jusque-là pas l’audace ni surtout l’idée de sortir de son rôle. Son dévouement et l’affection qu’elle porte au fils de la famille lui suffisent pour accepter une condition qu’elle ne penserait même pas à remettre en cause. Mais l’apparition de sa fille dont elle avait dû se séparer pour travailler, va remettre en question l’ordre établi et les convictions les plus profondes de chacun. Très symboliquement, c’est une nouvelle génération de jeunes brésiliens (la fille de Val, Fabinho) qui va être le déclencheur du changement.
Une seconde mère livre donc un instantanée du Brésil et diffuse l’idée d’une société de classe profondément installée qui se trouverait à la croisée de chemins, à un instant où les cartes peuvent être rebattues. Mais cette petite révolution que l’on distingue tout juste se fait sans drame, comme une simple prise de conscience.
Si les personnages ne sont pas forcément tous bien dégrossis et se posent en archétypes (la mère riche et insensible, le père fatigué et frustrée, le fils pourri gâté), ils font partie de la vision de la réalisatrice que l’on devine sincère, et apportent beaucoup à la légèreté et à l’humour du film, sans pour autant dénaturer le message.
Au cœur de ce petit théâtre, Val, interprétée avec fougue et exaltation par Regina Casé, prend beaucoup de place. Sans doute un peu trop pour laisser vraiment exister les autres protagonistes. Mais malgré ses excès et son exubérance, on ne peut qu’être charmé et touché par son enthousiasme et la bonté qui se dégage d’elle. Elle est le pilier humain du film, elle est de tous les plans, mise en valeur par une mise en scène simple qui à défaut d’être d’une grande subtilité donne de la lisibilité au propos de la réalisatrice. Sans être revendicateur, Une seconde mère une porte en lui une dimension sociale évidente et l’espoir de profonds changements.
Avec ses imperfections, mais un charme indéniable.