On sort d'Une Séparation en regrettant presque que tous les films ne soient pas calqués sur le bon vieux modèle hollywoodien : des méchants très méchants qui sont punis à la fin, de pauvres gentils qui souffrent mais qui ont gain de cause, une délimitation claire entre le Bien et le Mal poussant tous ceux qui ne la respecte pas scrupuleusement à en pâtir jusqu'au bout du bout de l'éternité, bref un constat bien rassurant pour nous autres, malheureux spectateurs en quête de repères stables et de consolations bon marché.
Farhadi opte pour une vision beaucoup plus troublante de la nature humaine. Plongeant en apnée dans une situation inextricable, machine infernale qui broie les uns après les autres les personnages, leurs certitudes, leurs espoirs, leur bienveillance, leur tolérance, il observe ses victimes d'un œil perçant (persan ?) et prend un malin plaisir à jouer avec nos nerfs. Un peu à la manière d'un juge de bonne volonté, nous essayons de démêler la pelote, mais force est de constater que tous les pantins qui s'agitent dans cette sarabande désespérée ont des circonstances atténuantes ou des excuses : impossible de condamner qui que ce soit en particulier. Peut-être est-ce là la morale du film ?
Pour ma part, j'aurais plutôt tendance à les condamner tous, tant ils sont des échantillons parfaits de ce que l'humanité s'entête à avoir de déplorable. On a beau essayer de l'oublier parfois, on le sait bien : chacun de nous est incapable d'écouter autrui, de se mettre à sa place, de changer de point de vue, d'accepter d'avoir tort quand il pense qu'il a raison. Une humanité qui à la place, toujours et sans arrêt, par peur ou par fierté, préfère s'accrocher à son pauvre petit bout de vérité quitte à tout détruire pour cette triste victoire.
Alors, que faire ? Oh, on peut attendre qu'un jour une société décide de prendre les oeuvres complètes de Spinoza pour en faire la base de son éducation et de sa constitution (mais bon, franchement je n'y crois qu'à moitié). Ou bien faire des films et des livres en espérant que se voyant si laids, les hommes décident de changer (depuis le temps que les malheureux artistes essayent, si ça devait marcher je pense qu'on le saurait). Ou alors permettre à tous les pays qui veulent la bombe atomique de la fabriquer, et attendre patiemment, seul, sous un arbre, un verre de Suze à la main, que quelqu'un enfin appuie sur le bouton.
Merde, j'ai oublié mes glaçons dans la maison...