D'emblée, Yves Allégret installe une ambiance et un paysage ténébreux, quasiment un décor de fin du monde. La petite cité bretonne pluvieuse et venteuse où se déroule l'intégralité de l'intrigue, n'a rien de très avenant. Au contraire, elle est censée représenter l'état psychologique du personnage de Gérard Philipe, fraîchement débarqué ici, sur les lieux de son enfance, fuyant Paris et le geste fatal (mais lequel?) dont il s'est rendu coupable. D'abord énigmatique, le récit nous enseigne progressivement sur le drame de Pierre tout en gardant son caractère mélancolique et désenchanté. Car le thème du film est celui de la désillusion et, à l'instar d'autres personnages qu'il rencontre -une pupille de la nation, comme lui, et une fille d'hôtel- Pierre véhicule l'image d'une vie gâchée et d'une jeunesse volée.
Cependant, cette vision pénible et désespérante ne nous convainc guère. Le rapport entre la mise en scène, l'esthétique du film et son "psychologisme", est bien trop conventionnel, bien trop emphatique. L'interprétation invariablement douloureuse de Gérard Philipe entretient des symboles et des indices psychologiques assez grossiers, bien moins subtils qu'évidents. Le film n'atteint jamais le réalisme humain et, partant, l'émotion, auxquels il prétend. De sorte que ce défaut de vérité rend vains les artifices dramatiques déployés par le metteur en scène.