Au cinéma, la poésie peut parfois se nicher dans des endroits incongrus. Comme au rayon confiserie d'un supermarché aux allures d'entrepôt. Et l'émotion peut surgir du côté des boissons. Pour un peu ce serait le bonheur près des chariots élévateurs. Et l'amour bien sûr, qui ne rime avec rien, mais qui est aussi partie prenante du magnifique Une valse dans les allées, jolie surprise de 2018, comme l'était Corps et âme l'an dernier. Avec une pointe de réalisme magique, le cinéaste allemand Thomas Stuber transforme un lieu de travail sans attraits en un théâtre saturé d'humanité blessée où les timides, les dépressifs et les inadaptés oublient leur solitude. Une valse dans les allées (bravo aux traducteurs qui pour une fois n'ont pas cédé à la détestable mode des titres en anglais) est aussi un film sur le passage de la RDA du socialisme au capitalisme, thème prégnant mais enrobé dans un voile de nostalgie et de tristesse. Tout en finesse et sensibilité comme le reste du film dont le peu de dialogues et le rythme lent s'apprivoisent au fil des minutes. La mise en scène de Stuber peut sembler invisible mais elle est partout, dans les éclairages, dans la musique, dans les gros plans ... Pour une tonalité qui évoque assez souvent le cinéma de Kaurismäki. Et que dire des interprètes : quand le personnage principal de Transit rencontre l'héroïne de Toni Erdmann, cela donne une valse à plusieurs temps, tout en regards embués et en sentiments qui n'osent pas dire leur nom. Magique, on vous disait.