Malick à Cannes, c’était immanquable. Le mystérieux cinéaste, peu adepte des apparitions publiques, s’est donc invité parmi les cinéastes présents en compétition, gonflant des rangs déjà bien garnis. Annoncé avec une durée de près de trois heures, Une Vie Cachée a rapidement obtenu de très bons retours, confirmant que Terrence Malick est toujours bien dans la partie.


Redevenu très prolifique, le cinéaste américain nous fait découvrir l’Autriche rurale lors de la Seconde Guerre Mondiale, où tous les hommes en âge de prendre les armes doivent prêter allégeance à Hitler. Le héros du film, vivant paisiblement avec sa femme et ses enfants, travaillant dans une ferme dans les montagnes, va donc commencer à faire ses armes, avant, peu à peu, de se confronter à des questionnements vis-à-vis de l’armée et des intérêts qu’il sert en s’engageant. Refusant de servir un régime qui écrase les peuples, il devient alors un traître. Comme souvent chez Malick, le film débute dans une ambiance paisible, mettant en lumière la nature, dans de somptueux paysages montagnards. Et c’est donc dans cette paix apparente, similaire à celle inaugurant La Ligne Rouge, que le cinéaste nous invite, avant de découvrir une réalité toute autre.


Ce sont les images de l’insouciance, où l’on roule à moto au milieu des reliefs, où l’on travaille la terre, où l’on joue avec les enfants… La sublime musique de James Newton Howard accompagne les plans vertigineux mettant en lumière une nature immense et impressionnante. Malick part de cette immensité pour progressivement se centrer sur l’intime, partant des montagnes immenses et allant jusqu’à la conscience de Franz, perpétuant le travail esthétique de ses films les plus récents, en réinstaurant une narration plus lisible et classique, comme dans ses premiers films. On trouvera toujours ces plans tournés à la steadicam, déformant les perspectives, contemplant les paysages et les visages, comme on pouvait le voir dans The Tree of Life, pour ne citer que lui, avec une narration plus proche de ce que pouvait proposer Les Moissons du Ciel.


La spiritualité reste présente dans Une Vie Cachée, mais c’est surtout sur la foi qu'insiste Terrence Malick, dans la capacité à maintenir et à soutenir ses convictions malgré l’adversité, à rester un face à l’immensité, sans jamais trembler. L’évolution du personnage de Franz va dans ce sens, partant de la conformité au régime nazi, pour passer par l’indignation, l’injustice, l’affirmation, et, enfin, la résignation. C’est la quête d’une forme de pureté, que l’on ressent dans l’esthétique du film, mais aussi dans le personnage de Franz, qui cherche une véritable pureté, l’intégrité, autre que celle prônée par les nazis. A ce sujet, Malick examine toutes les institutions, qu’elles soient politiques (le maire, incarné par Karl Markovics), religieuses (le prêtre, incarné par Tobias Moretti) ou militaires (le juge du tribunal militaire, incarné par Bruno Ganz), pour s’interroger sur leurs finalités et leur capacité à comprendre la volonté d’un homme de suivre ses convictions personnelles.


Une Vie Cachée se présente comme un large tableau poétique sur une sombre époque de l’histoire, s’intéressant aux grandes thématiques de la filmographie du cinéaste, que sont la spiritualité, la famille et la nature, explorant ici principalement la foi à travers un portrait d’homme aux convictions inébranlables, soutenu par un riche éventail de personnages secondaires qui viennent alimenter les réflexions et influer sur l’évolution du personnage de Franz. Les amateurs des récents films de Malick trouveront leur compte dans Une Vie Cachée, film d’une beauté remarquable, à l’esthétique sublime, accompagnée d’une magnifique bande originale signée James Newton Howard. Malick reste dans ses gammes, mais continue de fasciner.


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le 21 mai 2019

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