Le style caractéristique de Terence Malick imprègne ce film : voix off intimistes qui accompagnent le déroulement de l’histoire ; poésie qui se dégage de l’ensemble ; nature magnifiée ; rythme très lent. Par contre la dimension panthéiste, présente dans les autres œuvres de Terence Malick, est ici absente. En effet, ce film relate l’histoire d’un homme, Franz Jägerstätter, qui a agi selon sa conscience façonnée par sa foi chrétienne et il est jalonné de citations bibliques.
Cet homme a eu le courage d’agir selon ce qu’il pensait être juste malgré l’incompréhension de son petit village, le manque de soutien direct des autorités religieuses liées par la peur des représailles, la pression des nazis, l’incompréhension de certains détenus. Le film est jalonné de ces questions voulant créer le doute : « are you better than the rest ? Are you alone wise ? How do you know what is good or bad ? You know better than I ? » ; « if we could only see the beginning of his kingdom, the dawn, but … nothing ! Nothing ever ! (…) Your man (Christ) died in vain. He came and it was all for nothing ».
Face à toutes ces pressions, le film ne nous donne pas les réponses de Franz il n’en avait pas forcément, mais s’il n’avait pas de réponses au mystère du mal, il savait au fond de lui ce qu’il est juste de faire ou non : « I have this feeling inside me, that I can’t do what I believe is wrong », il a préféré souffrir l’injustice plutôt que de la commettre. Et il n’a pas plié. Il l’a fait sans fanatisme. A l’officier qui lui demande : « Do you judge me ? » il répond : « I don’t judge you. I’m not saying, he’s wicked, I’m right. I don’t know everything ».
Seule une minorité de personnes est capable d’aller ainsi au bout de ses convictions et de ne pas se renier soi-même. Cela se prépare dans le banal quotidien. Si Franz était habité par la foi et de fortes convictions sur ce qui est juste ou non, bon ou non, il était également enraciné dans la banalité du quotidien. Le film nous donne à le voir : quand il marche dans le train, menotté, il aide une dame à attraper sa valise ; après avoir reçu sa sentence de mort, il sort toujours menotté et on le voit se baisser pour remettre en place un parapluie tombé à terre. Autant de signes qui montrent qu’il était enraciné dans le réel et attentif aux autres.
L’une des raisons alléguées par diverses personnes (curé, nazis, maire…) pour le faire céder était l’inutilité de sa résistance : « your sacrifice would benefit no one », « Do you imagine that anything you do will change the course of this war ? », « what purpose does it serve ? » Si, effectivement, son refus de combattre au côté du nazisme n’a pas changé le cours des événements, le sacrifice de sa vie n’a certainement pas été inutile. Alors que le nazi lui disait que son refus sombrerait dans l’oubli : « Do you think anyone will know it ? Ever hear ? » aujourd’hui sa vie est connue, il est devenu un témoin qui touche le cœur de nombreuses personnes pour sa droiture et son refus inflexible de pactiser avec la violence et le mensonge nazi. Il a été béatifié et de nombreuses personnes se rendent dans son village pour faire mémoire de lui. Si Terence Malick n’y fait pas référence, il cite par contre, en finale, George Eliot :
« … car le bien croissant du monde dépend en partie d’actes non historiques ; et si les choses ne vont pas pour vous et moi aussi mal qu’elles auraient pu aller, nous en sommes redevables en partie à ceux qui ont vécu fidèlement une vie cachée et qui reposent dans des tombes délaissées ».