En 1943, après l'avoir sauvé d'un soldat qui s'apprêtait à fusiller un résistant, une jeune femme s'éprend de lui, et décide de le cacher dans une auberge. Une fois rétabli, cet homme joué par Alberto Sordi va partir sans lui donner de nouvelles, et quelques mois plus tard, il va vouloir la récupérer. Ce qu'elle accepte, car la vie romaine l'attire. Mais elle va aller de désillusions en désillusions, surtout à cause du caractère sans compromissions de celui qui va devenir son mari.
A travers ce récit qui va durer une quinzaine d'années, Dino Risi fait un portrait cruel de l'Italie, de l'Italien à travers ce personnage magnifiquement joué par Alberto Sordi, qui se veut lâche, veule, fier, arrogant, mais dont sa ligne de conduite va le faire déchoir de son piédestal, jusqu'à les empêcher de se nourrir certains jours lui et sa compagne, excellente Lea Massari.
D'une certaine façon, ça ressemble au futur Nous nous sommes tant aimés, mais à la différence que c'est un couple, qui va beaucoup changer, elle qui veut se plaire dans le luxe et la volupté, alors que lui travaille sans changer fondamentalement. Il y a certaines scènes que je trouve assez touchantes, aussi bien le passage en prison, où sa femme le soutient mordicus en dépit de ce qui l'a mené au trou, jusqu'à ne pas voir la naissance de son fils, et le rejet total qu'il va susciter, car il faut dire aussi qu'il donne tout pour être désagréable, y compris à semer la pagaille.
Pour revenir à Alberto Sordi, on suit avec lui l'évolution de la société italienne, la grande pagaille, le renouveau économique qui passe par les vacances à la plage ou le développement du cinéma à travers un cameo de Vittorio Gassman dans un peplum, et il va en quelque sorte rater le train en marche en raison de sa fierté entre guillemets, où même l'écriture d'un roman, Une vie difficile, résume bien sa situation.
Outre les qualités du scénario, il faut également souligner le très beau noir et blanc, qui est comme le poids de la fatalité sur le personnage de Sordi, dont le rôle vis-à-vis de sa femme s'inverse. Et même si la fin est sans doute imposée à Dino Risi, je la trouvé géniale, car elle sonne comme un pied de nez au destin.
Une vie difficile est sans nul doute un des plus grands films de Dino Risi (et dieu sait qu'il en a fait des excellents), et Sordi est aussi un génie, peut-être le plus grand, de cette époque bénie pour le cinéma italien.