Après avoir signé le superbe dyptique d'après Marcel Pagnol (Jean de Florette / Manon des sources, 1986), Claude Berri se lance dans l'adaptation du roman de Marcel Aymé (1948) avec un budget conséquent (environ 19 millions d'euros). Cela se confirme jusqu'au casting, alignant les têtes d'affiche en tous genres : Gérard Depardieu, Josiane Levêque, Jean-Pierre Marielle, Danièle Lebrun, Philippe Noiret, Daniel Prevost, Michel Blanc, Myriam Boyer, Michel Galabru, Gérard Desarthe, Fabrice Luchini, Florence Darel ou encore Ticky Holgado. Un film événement couronné par 2,5 millions d'entrées et dont l'affiche signée Tardi est restée dans les mémoires.
Uranus se déroule quelques temps après la libération de la France et l'occupation est encore présente dans les mémoires. Le film se situe dans une ancienne ville bombardée où les habitants s'entassent chez les autres en attendant les reconstructions. Les rancunes sont encore présentes, les collaborateurs jamais très loin et la résistance a déjà atteint ses limites (communistes comme autres). Il suffit alors d'une étincelle pour que tout explose, le mensonge pourrissant la ville de fond en comble.
Berri montre toutes sortes de débats idéologiques durant le film, confrontant des hommes aux idées différentes de manière pacifique, avant que cela ne dérive vers la violence. Les non-dits empoisonnent les relations jusqu'à certains camps. Il n'y a qu'à voir comment les membres du parti communiste se mangent entre eux, à coups de dénonciation calomnieuse et de coups bas. Idem quand une journée de célébration devient l'occasion d'un lynchage public. Qu'importe la vérité, le reste fera l'affaire et la situation se terminera dans le sang.
Berri montre donc un portrait de l'humanité tout sauf élogieux où même les êtres les plus bienveillants ont des choses à se reprocher (cf le personnage de Noiret, le souvenir qu'il évoque et son attitude durant le film). Uranus peut également compter sur son lot de performances, allant de Depardieu en pleine fureur à Galabru dans un énième rôle de contre-emploi prouvant bien qu'il pouvait être convaincant hors de la comédie (avec nomination aux César à l'appui). Sans compter Michel Blanc continuant toujours un peu plus dans un registre dramatique avec saveur.
Au passage, il est bon de souligner que la mort d'un personnage dans Uranus n'est pas sans anticiper une présente dans le film suivant du réalisateur. Un certain Germinal...