Film d’horreur lisse, ou comédie noire ratée ? La question se pose devant Us, dernier film sorti en salles de Jordan Peele, dont le succès au box-office devrait dépasser celui de son prédécesseur, Get Out, tant le film semble faire des émules aux Etats-Unis. Il faut dire que le public, demandeur légitime de fictions aux protagonistes dans lesquels il est susceptible de s’identifier trouve dans Us matière à faire. Une famille afro-américaine profite des vacances pour se reposer, non loin de la côte, quand son séjour est perturbé par l’apparition de doubles malveillants, dont la présence remémore à la mère, Adélaïde Wilson (Lupita Nyongo) un passé qu’elle croyait avoir définitivement laissé derrière elle.
Comme bien trop de films récents qui flirtent avec les deux heures, Us souffre de sa longueur, qui l’handicape plus qu’elle ne le sert véritablement. Les scènes, démonstratives, sont aussi bavardes dans l’étirement de leur cadre que dans les dialogues, superflus, pour certains, sans parler de la sensation désagréable ressentie par un nouveau tour de manège que nous impose Jordan Peele, sans que l’histoire ne décolle jamais. Ici se trouvent les limites d’un choix moral idéologique pleinement assumé par le réalisateur qui prévient toute naissance d’enjeux narratifs ; à l’instar du streamer Hooper qui devine qu’un flic noir va crever dans Resident Evil 7 avant qu’il ne trépasse, parce qu’il est noir, le spectateur subodore aisément que malgré les embûches qui se dressent sur le chemin de la famille Wilson, elle s’en sortira indemne. Précisément parce qu’elle est noire.
il ne s’agit pas ici de faire un procès de Jordan Peele, ses bonnes intentions sont visibles et appréciables. Mais l’enfermement dans une trame qu’on rend indépassable sui generis mène inévitablement au grand n’importe quoi, car il faut sauver les meubles de la prévisibilité scénaristique absolue. C’est ainsi que le spectateur se retrouve devant un dénouement, un twist à l’allure chimérique de révélation foudroyante, quand, avec un peu de jugeote, on l’avait supposé dès les prémisses de Us. Un coup d’épée dans l’eau, qui apporte peut-être une motivation, un mobile à l’un des personnages, mais n’explique pas suffisamment les actions des autres. La mollesse du retournement ne sauve pas le film, littéralement écartelé entre sa volubilité et son inconsistance, à cause de son cloisonnement.
Pourtant, la thématique de la part d’ombre qui réside en chacun, bien que traitée maintes fois en littérature et au cinéma ne lasse jamais, tant il y a encore de quoi raconter. Us aurait pu être ce film qui plonge dans les tréfonds de la psyché, en ébranlant le spectateur au passage, en étant plus intelligent qu’il ne le laissait supposer. Us aurait pu être par ailleurs un simple mais agréable divertissement, sans son rythme filant dans la répétition ad nauseam.