Remember, remember, the fifth of November, Gunpowder, Treason and Plot
Si j'en crois les puristes, V pour Vendetta n'a que peu à voir avec le comic d'Alan Moore, sinon par les personnages majeurs et l'esthétique.
Tant mieux, finalement s'écarter radicalement de la trame du bouquin évite les accusations d'adaptation ratée, dont parfois je me moque royalement.
Nul doute toutefois que je lirai le comic car il semble d'excellente qualité !
Mais V pour Vendetta est avant tout un excellent film en lui-même, et voici pourquoi.
Étape 1 : acteurs parfaits
Hugo Weaving et sa diction si envoûtante, mise ici au service de textes hallucinants, d'une prestance et d'une magnificence absolues.
Il campe en outre un V à la fois mystérieux et dangereux, implacable et touchant, déterminé et compatissant.
Nullement handicapé par le masque qu'il portera du début à la fin, Weaving confère à V une expressivité bluffante par de simples mouvements de tête, d'épaule, des postures trahissant l'homme de théâtre, une gestuelle précise et fluide.
C'est terriblement chargé en émotions, et à la fois un exercice de style et une maîtrise technique incroyables.
En contre-champ Natalie Portman incarne Evey, la paisible petite employée de la chaîne de télévision officielle qui va rentrer en possession de l'héritage politique laissé par ses parents, parfois à son corps défendant, efficacement épaulé par V dans ce parcours initiatique, un peu trop efficacement peut-être.
Sublime, transcendée, Natalie resplendit de bout en bout, même le crâne rasé, une image qui la poursuivra également hors des plateaux tant son visage radieux dépasse ce qui est souvent pour d'autres un handicap.
Débordante de sensualité et à la fois de conviction, c'est sans nul doute l'un de ses meilleurs rôles, sinon le meilleur.
Étape 2 : le visuel
Jeux d'ombres et de lumière, noir et blanc ou couleur, le rouge dominant bien évidemment, V pour Vendetta est une succession de tableaux léchés dans les moindres détails, brossant un monde à la fois sombre et chatoyant, un peu à l'image d'un Blade Runner (j'entends déjà crier au scandale d'une telle comparaison, peu importe).
Hormis V lui-même bien sûr, tous les personnages ont une identité forte, à laquelle on pourra simplement faire le léger reproche d'indiquer rapidement à qui l'on a affaire...
Décors soignés donc, mais également les chorégraphies, le déplacement de V est en lui-même un plaisir à l'oeil, qui devient ouvertement danse dès que s'engage le combat, au contact toujours.
Feux d'artifices, explosions, tout n'est qu'esthétisme exacerbé. Ravissement sans cesse renouvelé.
Étape 3 : la musique
Ici une chose principale à relever : l'Ouverture 1812 de Tchaikovsky.
Merveilleusement utilisée lors d'une scène qui vous marquera très probablement, elle accompagne souvent V dans ses actions terroristes, et parfois en filigrane de l'action, mais aussi en clôture.
L'un de ces exemples typiques du classique mis au service d'une oeuvre moderne, de la plus belle des manières.
Édulcoré ou amputé par rapport au support original, le scénario garde sa force et de ce que j'ai compris il a surtout été modernisé pour davantage toucher nos générations, ce qui était peut-être moins évident avec le comic (je ne puis pour l'instant pas en juger).
On peut concéder que la critique est parfois simple voire simpliste par moments, oui l'anarchisme est présenté sous une forme assez romantique, oui on comprend bien que la dictature c'est mal, elle est dépeinte sans grande subtilité, mais est-ce bien différent de la réalité, et surtout est-ce dommageable à la transmission du message ?
L'histoire de V, de Larkhill et de ses différents pensionnaires et résidents est intéressante, tout comme l'est la reconstitution lente de ce puzzle.
J'ai également beaucoup aimé la façon dont le régime fasciste présenté ici a procédé pour accéder au pouvoir (je n'en dévoilerai pas davantage).
Une problématique finalement très actuelle, sans sombrer dans la caricature, lorsqu'on voit les stratégies de terreur utilisées par certaines très grandes démocraties à l'encontre leur propres citoyens.
Le film prend au tripes, mêlant intrigue politique, sentiments très primaires et la conscience du peuple, que nous laissons parfois en effet filer au profit du petit confort quotidien.
Enchevêtrement d'action et de scènes très intimistes, aux personnages à fleur de peau, V ne manque jamais de me tirer quelques larmes, bien que ce soit l'un des films que j'ai le plus vus.
Je pourrais en parler encore des heures mais ceci est déjà digne des mes pavés les plus indigestes, je m'arrêterai donc sur la recommandation ferme de le voir, n'hésitez pas un instant, nonobstant les médisants barbus.