D’abord, je dois avouer ma partialité. J’ai été chouan. J’avais une quinzaine d’années, j’avais dévoré "Quatrevingt-Treize", "Le Mouron rouge" et les "Mémoires de la Marquise de La Rochejaquelein". Je développais une passion coupable pour les causes perdues. J’aimais "Le dernier des Mohicans", "Le dernier Spartiate" et "Le prince Éric". J’ai été à Azincourt, Pavie, Camerone, Sidi-Brahim et j’ai chargé à Reichshoffen. J’ai combattu avec les Indiens de Sitting Bull, les Sudistes de Lee et les boers de Kersauson. Toutes mes causes n’étaient pas justes, mais je cultivais cette idée éminemment romantique, et objectivement absurde, de tous perdre, for l’honneur.
Revenons à Charette. La première scène est sans équivoque, soldat de métier, il ne croit pas au succès de cette jacquerie. La République a montré sa force. La Convention est implacable. Sans faiblesse, elle envoie à la mort adversaires, otages, prisonniers et simples suspects par dizaines de milliers. Elle réserve le même châtiment pour ses généraux vaincus ou mollassons. Elle a mobilisé le pays et levé en masse. Nous savons aujourd’hui qu’un tel régime est, par la sidération et la terreur, invincible. Les dictatures du XXe siècle suivront ses traces.
Le film souffre de la faiblesse de son budget et de la rapidité de son tournage. J’aurais aimé assister à une puissante charge de cavalerie, mais aussi à la préparation des embuscades, au jeu des éclaireurs, aux marches et aux contremarches, enfin à l’attente fébrile du combat. La voix off est pénible, mais plusieurs scènes m’ont marqué, notamment la fête, le rendez-vous sur la plage et l’exécution. Les dialogues sont pauvres. Il a manqué à "Vaincre ou Mourir" l’âme d’un Bernanos. Je n’ai retenu qu’une réplique. À l’issue de son premier combat, une défaite, il contemple les corps meurtris des victimes et déclare : « La terre – par opposition à la mer, Charette est officier de marine – n'ensevelit pas ses cadavres. » C’est peu.
Le scénario ne prétend pas raconter les guerres de Vendée, mais les combats de Charrette, le dernier des Géants à lutter et, de fait, à chouanner. Il réduit habilement les personnages à une dizaine de seconds rôles, le vieux sage, le jeune exalté, le bon prêtre, le vieux paysan, le brave soldat, l’amazone enflammée, la sœur attentive et quelques officiers bleus. Les rôles sont plutôt bien écrits et, s’ils échappent au manichéisme, ils distinguent deux camps, celui des bons de celui des méchants. Un scénario n’est pas un essai froid, mais un roman visant à émouvoir et à divertir. Il nous épargne les incartades amoureuses de Charette et brode sur la légende du sauvetage du petit Louis XVII, pourquoi pas ? Les passages oniriques traduisent, à peu de frais, ses doutes et sa solitude.
Que reste-t-il ? L’épopée romantique et tragique d’un incontestable héros monarchiste et chrétien produit par Canal Plus (celui de Bolloré) et distribué par Sage. Double scandale pour notre bienpensance. Pour autant, on saurait être républicain et admirer un tel héros.
Dans le "Mémorial de Sainte-Hélène" Las Cases fait déclarer à Napoléon : « J’ai lu une histoire de la Vendée : si les détails, les portraits sont exacts, disait-il, Charette est le seul grand caractère, le véritable héros de cet épisode marquant de notre révolution ; lequel, s’il présente de grands malheurs, n’immole pas du moins notre gloire. Oui, a-t-il continué, Charette me laisse l’impression d’un grand caractère, je lui vois faire des choses d’une énergie, d’une audace peu communes, il laisse percer du génie. »