"On n'abdique pas l'honneur d'être une cible". Ces mots de Cyrano, repris par Charette dans le film, auraient parait-il été repris à nouveau par l'acteur principal du film, Hugo Becker, suite aux multiples attaques des media de gauche qui dénoncent l'idéologie réactionnaire de "Vaincre ou Mourir". Il a bien raison de le voir comme ça : c'est en effet un grand honneur, pour un film d'aussi piètre qualité, d'être la cible de tant de détracteurs.
Et pourtant, j'aurais sincèrement aimé apprécier ce film. Qu'on partage ou non ses idées, l'histoire d'un homme qui va jusqu'au bout de son destin et de ses convictions est toujours une histoire intéressante, et souvent admirable. Par ailleurs, que le Puy du Fou s'empare du sujet et se lance dans la production cinématographique pour vanter l'Histoire de France, ça me va très bien. "Vaincre ou Mourir" aura au moins prouvé que ce nouveau producteur a quelques atouts à faire valoir : une force de frappe financière - tout le monde parle pour ce film de budget serré pour excuser la piètre réalisation alors qu'il est dans la moyenne d'un budget de film français -, des décors et des costumes plutôt convaincants, la capacité à mobiliser un bon casting - Hugo Becker est ici charismatique, ce qui pour un acteur français n'est pas si fréquent - et bien sûr une certaine notoriété qui capte d'ores et déjà un certain public.
C'est prometteur, mais à l'avenir il faudra absolument que le Puy du Fou redirige son budget sur la réalisation et le scénario, car ici Mignot et Mottez n'avaient clairement pas les épaules.
Je me fiche pourtant que les scènes de bataille ne soient pas grandioses, voire que qu'elles soient parfois purement éclipsées. Je ne sais pas ce que les réalisateurs avaient en tête, mais on ne sait jamais où on est : tantôt on penche vers le documentaire TV, tantôt on se la joue "Braveheart" - sans succès hélas -. On est ultra exhaustif sur la vie de Charette, avec des mini pastilles qui s'accumulent telle une frise chronologique de manuel d'histoire, et on bâcle toutes les scènes primordiales pour placer le spectateur en immersion.
Après avoir visionné le film, je peux dire que je connais désormais bien la vie de Charette, mais je n'y ai rien compris : Qu'est-ce qui meut cet homme ? Pourquoi ce peuple vendéen en particulier, et pas un autre, tient-il tant au Roi et à Dieu pour tenter l'impossible et risquer le martyr ?
"Pour Dieu et le Roi"... C'est la devise de la Vendée militaire, brandie tout au long du film. Or c'est quand même fort, à aucun moment on ne sent d'attachement de Charette, ni à l'Un, ni à l'autre. On ne comprend pas ce qu'il y a de spécifique à être royaliste, ou catholique, et en quoi les vendéens veulent sauvegarder cette civilisation. En revanche on comprend que les Républicains sont d'horribles méchants, ça c'est très clair. Les affreux, ils recrutent même de force les hommes valides pour une guerre ! - alors que comme chacun sait, la convocation à l'ost sous régime féodal se faisait sur la base du volontariat avec un joli carton d'invitation. Et surtout, on ne comprend rien aux motivations de Charrette : lors de la scène à la Chabotterie, il traite les paysans à sa porte de fous inconscients, et l'image d'après, il monte sur un cheval blanc et jure de donner sa vie à la cause. Et hop, ça part en baston, plus question de remettre en doute cette vocation, on va pas flancher !
Si les réalisateurs tenaient tant à faire leur Mel Gibson, il aurait fallu qu'ils remarquent que dans "Braveheart", la mutinerie n'éclate qu'au tiers du film. A ce moment-là, le spectateur, avec William Wallace, en a déjà gros sur la patate, il comprend ce que vivent les écossais et ce qu'ils ne veulent pas perdre. Avec Mignot et Mottez, dès la première scène, c'est "allez les blancs, bouuuh les bleus !!", et en avant pour les batailles... Honnêtement, le film aurait pu nous exposer la même histoire vendéenne vu du côté des révolutionnaires, je n'y aurais pas vu beaucoup de différences.
Tout ça n'enlève rien à la dimension historique du film, sur laquelle il y a peu à dire, tout ce qui est exposé est semble-t-il vrai. C'est d'ailleurs ce qui rend tout ce déchainement médiatique encore plus bizarre, puisque tous les détracteurs gauchistes du film sont eux aussi complètement à côté de la plaque. "Vaincre ou Mourir" ne risque pas de convertir grand monde au royalisme ou au catholicisme, puisqu'il n'en parle pas - ou alors très mal...
J'espère que le Puy du Fou continuera à produire, personnellement je serai très heureux de voir des bons films sur des vrais héros français. Mais il va falloir qu'ils se montrent capables de faire des vraies œuvres de cinéma, et pas seulement des fictions historiques pour France 3... Une belle histoire ne fait pas de facto un bon film...