Vaincre ou mourir est une coproduction entre le Puy du Fou et Canal+ qui était à la base un docufiction destiné à la télévision. C'est en mars 2022 que le parc change son fusil d'épaule en annonçant que le projet est transformé en long-métrage. Adapté du spectacle Le Dernier Panache créé spécifiquement dans le parc vendéen et lauréat notamment d'un prix mondial, il met en scène François Athanase Charette de La Contrie dit Charette, général royaliste et figure majeure de la guerre de Vendée.
Quiconque connaît un tant soit peu Philippe de Villiers et ses idées ainsi que les représentations du Puy du Fou ne sera pas surpris par la tournure politique du métrage. En effet leurs représentations s'inscrivent dans une forme de roman national. Une histoire linéaire, marquée par les exploits, les batailles et les conquêtes et qui à mon sens forge l'identité nationale. Un concept qui manque cruellement aux programmes actuels de l’Éducation nationale et à notre société où la repentance perpétuelle pour tout et n'importe quoi ainsi que la détestation de notre Histoire et de l’Église catholique prédominent.
Le Puy du Fou présente fréquemment pour ne pas dire systématiquement la Révolution et ses acquis sous le prisme du funeste et du néfaste. Les contre-révolutionnaires vendéens qui soutiennent la royauté et le christianisme sont montrés comme des martyrs de la Terreur et des victimes de l’oppression sanglante de la République..
Ceci étant dit on peut deviner aisément l'accueil qui aura été réservé au film par une presse cinéma et généraliste majoritairement de gauche et autant dire que beaucoup s'en sont donnés à cœur joie. Film de fachos pour droitardés, tract royaliste et catholique intégriste, révisionnisme puant, obscurantisme total... En résulte des polémiques à gogo, un appel au boycott d'un côté et de l'autre fatalement un film porté aux nues et un chef d’œuvre. Autant que je me souvienne j'ai rarement vu ou du moins assisté à un film aussi clivant politiquement parlant.
Dans tout ce marasme on oublie la notion de nuance et surtout on oublie de parler du film, nous y reviendrons.
Plusieurs historiens ont été consultés pour l'écriture du film, d'ailleurs ils interviennent frontalement dans un bref prélude pour contextualiser l'histoire. Parmi eux figure Reynald Secher, un chercheur controversé car soutenant l'idée d'un génocide vendéen. Il me semble pour ma part que ce mot n'est jamais prononcé dans le film. On reproche donc à l’œuvre qui se présente comme factuelle de faire du révisionnisme. Pour autant la quasi-totalité de ce qui est montré à l'écran s'est réellement déroulé. Un soulèvement vendéen qui a fait à peu près 200 000 morts, des colonnes infernales qui ont tué à peu près 50 000 civils vendéens dont des femmes, enfants et vieillards, le parcours de Charette avec les principaux évènements qui l'ont jalonné. C'est factuel et l'essentiel est là. Personne ne pourra nier que la sacro-sainte République s'est construite dans le sang et dans l'horreur. Les personnages sont ensuite romancés et enjolivés afin d'illustrer l'idéal très lyrique du film et la vision des auteurs mais il me semble que c'est l'apanage du cinéma et de l'art depuis toujours. Le point de vue d'un artiste qui s'approprie quelque chose.
On peut toujours pointer des détails, un manque de nuance ou un côté trop manichéen. Le cinéma nous a offert une multitude de pépites qui ont perverti l'Histoire. D'ailleurs l'Histoire est ipso facto quelque chose en perpétuel mouvement où les historiens débattent, confrontent leurs sources, leurs idées, leurs perceptions et leurs contradictions.
Donc dans le pire des cas Vaincre ou Mourir se situerait dans cette longue liste de films qui ont perverti l'Histoire, ce qu'il est je pense très loin de faire au contraire. Mais Dumas disait lui-même "J'ai le droit de violer l'histoire à partir du moment où je lui fais des beaux enfants".
Pour autant est ce qu'on peut qualifier le film de Paul Mignot et Vincent Mottez de bel enfant ? Pas tellement à mon sens. Cinématographiquement c'est assez faible et les mauvais choix sont nombreux. Le film porte les stigmates de son ancienne condition de docufiction télévisuel et ça se ressent vraiment. Cette idée par exemple de commencer le récit par une intervention d'historiens c'est inutile, c'est d'une lourdeur et ça tue totalement l'immersion. Cela donne l'impression que le film cherche sa légitimité. De même l'omniprésence de la voix-off vient surexpliquer un scénario convenu et balisé. On a la désagréable sensation d'être auditeur d'une sorte de livre audio épars qui est illustré avec fainéantise et sans génie ni réel point de vue par les prises de vues. On passe d'une séquence à l'autre sans réelle progression dramatique et sans continuité.
De ce fait les personnages ont du mal à exister et sont vraiment creux. Ils n'ont pas de réelle personnalité et les relations entre eux ne fonctionnent pas. Charette devient rebelle du jour au lendemain, faisant écho aux déclarations de l'historien qui nous dit dans l'introduction qu’il est bien un rebelle un vrai. Mais bordel ça je veux le ressentir je ne veux pas qu'on me le dise.
Pourtant il y avait le potentiel de faire un personnage totalement désabusé après la Révolution suite aux conflits qu'il a menés pour la royauté. Il faut voir les séquences qui mettent en scène son esprit sur fond noir, ça ne fonctionne vraiment pas. On n’arrive jamais à rentrer dans sa tête. La faute n'est pas imputable à Hugo Becker qui livre une partition honorable mais à un manque d'écriture. Pour autant certains traits de caractère sont bien représentés. L'idée de le montrer à la fois héroïque et ombrageux, finalement plus attaché à son honneur qu’à sa cause est intéressante mais c'est maigre.
Le reste des personnages par contre c'est un encéphalogramme plat.
Au niveau de la représentation historique c'est assez moyen mais cela ne m'étonne pas car le spectacle vivant et le cinéma sont deux arts différents. Les tenues font illusion côté vendéen mais pour celles des soldats de la République cela fait souvent déguisement. Elles proviennent certainement des costumiers du Puy du Fou, ce qui n'est pas problématique pour des représentations destinées à être vues de loin le devient quand c'est filmé en gros plan comme au cinéma. De même de l'aveu des spécialistes il y a beaucoup d'anachronismes au niveau des armes et de leur maniement. Je reste persuadé que le résultat aurait été meilleur avec quelques conseils et un peu de matériel supplémentaire sans faire exploser les coûts. Pour un néophyte comme moi ce n'est pas dramatique par contre les séquences de batailles ne sont absolument pas crédibles. On voit quelques échanges rapides de coups de feu suivis de scènes de mêlées à la baïonnette mais c'est filmé en gros plan avec une caméra qui tremble tout le temps et qui cadre mal l'action. Quelque soit l'effet escompté ça ne donne rien. Le tout manque d'ampleur, ce qui est compréhensible étant donné le très faible budget du film mais dans ce cas il aurait fallu composer avec et penser le film différemment. Faire une vaste fresque épique ça demande un tant soit peu de moyens financiers.
C'est comme ces séquences d'embuscades où les vendéens sortent des buissons mais on a le droit à trois ou quatre fois la même scène. Sérieux c'est pas possible. A contrario il y a des moments qui fonctionnent. Je pense à la scène de la célébration religieuse illégale dans la forêt qui est un symbole de la déchristianisation mais ça dure dix secondes tout au plus. De même la procession à Nantes après la signature de la trêve où les personnages se recueillent sur l'échafaud. Personnellement ça m'a pris mais ce n'est pas assez. J'ai quand même eu la désagréable sensation d'assister à un sous Braveheart ou The Patriot. Les réalisateurs ont du voir ces films et cela se sent. Je suis content de voir des propositions de ce genre en France mais si c'est pour faire ce que font les américains en moins bien ce n'est pas vraiment la peine.
La B.O réutilise le travail de Nathan Stornetta qui officie sur la musique du parc d’attractions du Puy du Fou. Le jeune compositeur a notamment été l'assistant de Hans Zimmer. C'est efficace sans être transcendant.
En résumé ce Vaincre ou mourir n'est pas terrible du tout en tant qu'objet cinématographique mais finalement assez innocent et bienveillant. Je ne suis cependant pas dupe sur la volonté mercantile du bazar surtout avec un homme comme Vincent Bolloré qui est coproducteur. L'homme s'est fait presque fait un ORTF privé de droite à lui tout seul et on imagine que les retombées financières sont énormes car il a quasiment le monopole de la représentation de ces idées dans la sphère politique et médiatique.
Personnellement j'ai vu un film modeste qui rend un hommage maladroit mais sincère aux Vendéens qui ont pris les armes pour défendre leurs valeurs et leurs convictions. Le torrent de haine qui a déferlé et les réactions complètement disproportionnés en disent cependant beaucoup sur l'état intellectuel et politique de notre société et sur la monopolisation du débat par des gens qui s'autoproclament vertueux et dans le camp du bien.